À la fortune du mot
Poursuivons notre tour de France des villes qui, se jugeant probablement à l'étroit dans leurs murs, n'ont pas hésité à prendre leurs quartiers dans le langage courant...
La conduite de Grenoble. Faire à quelqu'un la conduite de Grenoble, c'est l'expulser sans autre forme de procès, en signe de mécontentement. Sur l'origine exacte de l'expression, les spécialistes se perdent en conjectures, les épisodes historiques qui en fournissent une explication plausible étant légion. La locution a, de toute façon, beaucoup vieilli. Il est vrai qu'à Grenoble, depuis quelque temps, ce sont surtout les conduites d'eau qui tiennent la vedette...
Du bruit dans Landerneau. Ce chef-lieu de canton du Finistère ne doit pas sa célébrité qu'à son bouillant épicier, Édouard Leclerc. S'il est devenu nom commun (on parle aujourd'hui du landerneau politique pour évoquer le « microcosme » cher à Raymond Barre), c'est, au dire de beaucoup, grâce (?) à un certain Alexandre Duval, lequel fut le premier à utiliser la formule dans sa comédie Les Héritiers, créée en 1796. D'autres préfèrent rattacher la locution au charivari que les habitants de la ville réservaient, avec force crécelles, aux veuves qui se remariaient, à seule fin d'éloigner l'esprit, forcément jaloux, du feu mari. Il est vrai que cette thèse-là est plus favorable aux Landernéens, qui se voyaient ouvertement taxer de médisance dans la pièce de Duval ! Du bruit dans Landerneau est aussi le titre d'un ouvrage récent de Patrice Louis (Éd. Arléa), précisément consacré à l'implantation des noms propres dans le parler commun.