De toutes les couleurs

< mardi 22 avril 2003 >
Vocabulaire

Pique. Si, au bridge, c'est la reine incontestée des couleurs, le langage courant se montre plus circonspect. Le valet de pique, on le sait, a toujours été considéré comme le plus méprisable de sa corporation : surnommé ici pouilleux, là traité de vieux garçon, il représente dans plus d'un jeu la carte à fuir (voir aussi notre rubrique À vous de jouer). Quant à l'as de pique, ce n'est sans doute pas un hasard si le Pentagone l'a retenu pour figurer Saddam : Antoine Furetière remarquait déjà, dans son fameux Dictionnaire universel de 1690, que « C'est un bon as de pique » se disait, par injure, d'un homme jugé stupide !

Cœur. Au risque de fendre celui d'un célèbre bistrotier du Vieux-Port, cette couleur-là n'est pas toujours mieux lotie que la précédente dans notre lexique. Les deux seules locutions à s'en réclamer ouvertement ne font pas, en tout cas, dans le ragoûtant : tirer du cœur et jeter du cœur sur le carreau signifiaient hier « vomir » !

Carreau. Pour ce qui est du valet, la réputation n'est pas meilleure : on a longtemps désigné par là, de l'aveu de Furetière encore une fois, un « homme de rien, un misérable ». L'as est un peu mieux traité puisqu'il lui est arrivé de symboliser, dans le langage populaire, le ruban de la Légion d'honneur. Mais aussi et même plus souvent, au dire de Pierre Larousse, le sac du fantassin, eu égard à sa forme carrée...

Trèfle. Quand on aura précisé qu'un nez d'as de trèfle a été longtemps tenu pour gros et plat, on sera tenté de borner là ces peu gratifiantes investigations, les ponctuant au besoin d'un Trèfle ! sans appel. Cette exclamation n'était-elle pas l'équivalent argotique, à la fin du XIXe siècle, de notre classique Halte-là !, sans doute par attraction (et corruption) de Trêve ?