À la fortune du mot

< mardi 4 avril 2000 >
Vocabulaire

Ils ne sont pas rares, les mots qui, comme réforme, ont retourné leur veste au fil du temps. En voici quelques exemples, parmi les plus spectaculaires...

Abri. Pour deviner que celui-là dérive d'un verbe latin signifiant « se chauffer au soleil », avouez que mieux vaut ne pas être né... de la dernière pluie !

Clinique. Bernard Galey a beau jeu de relever le paradoxe : si va à la clinique, aujourd'hui, celui qui ne peut être soigné chez lui, le klinikos (du grec klinê, « lit ») était autrefois le médecin qui se déplaçait au chevet du malade !

École. Ne le répétez pas sans précaution à nos potaches : le mot grec skholê qui est à l'origine de notre école signifiait « moment de détente » ! Il est vrai que n'accédaient alors à l'instruction que ceux qui disposaient de loisirs...

Falot. Il se pourrait bien qu'il s'agît là d'une déformation de l'anglais good fellow, « joyeux compagnon ». L'être falot, de nos jours, ne fait plus rire : on le trouverait plutôt... pâlot !

Médiocre. Hier, il s'agissait presque d'une qualité, tant le juste milieu était adulé : l'Académie elle-même ne conseillait-elle pas de « garder la médiocrité en toutes choses » ?

Péage. Si cela fait une paye qu'il s'adresse aux automobilistes, il a d'abord concerné les piétons : le mot descend en effet du latin pes, pedis, « pied » !

Roman. Belle revanche pour ce terme, qui s'appliquait jadis à la langue vulgaire — impropre, au contraire du latin, à la création littéraire — et aujourd'hui devenu le genre phare de ladite création !