Conservatrice, la France ?

Un pays qui pète la... réforme

< mardi 4 avril 2000 >
Chronique

C'est toujours la même rengaine : qu'un projet de réforme soit enterré par la rue et tout ce que le pays compte de bonnes âmes vient verser une larme sur l'impuissance quasi endémique des Français à évoluer. C'est que ladite réforme est devenue in-con-tour-nable (pour user du jargon à la mode). On ne s'étonnera pas que, dans la bouche du chef du gouvernement, qui en a fait son fonds de commerce, l'affaire tourne au psittacisme ; mais que les plus acharnés des manifestants revendiquent haut et clair leur attachement indéfectible à cette même réforme (à condition, évidemment, que ce ne soit pas celle-ci) en dit long sur le crédit dont elle jouit unanimement. S'y opposer reviendrait, il est vrai, à reconnaître sa ringardise, à avouer son incapacité à s'adapter « aux indispensables mutations de notre monde en perpétuel devenir ». Autant de scrupules qui feront hurler de rire l'étymologiste de service. Au sens premier du terme, en effet, réforme est infiniment plus réactionnaire que progressiste, évoque le retour en arrière beaucoup plus que la fuite en avant ! Issu du latin reformare, il ne s'agissait de rien d'autre, à l'origine, que de « rendre à sa première forme », de restaurer l'ancien. La religion n'y échappait pas et la fameuse Réforme des protestants participa de cette logique : il y était avant tout question de retourner aux sources du christianisme — une prétention, faut-il le préciser, qui n'eut pas l'heur de plaire aux catholiques d'alors, lesquels, ça ne s'invente pas, avaient baptisé R.P.R. (Religion Prétendue Réformée) l'hérésie calviniste. Rien d'étonnant, finalement, à ce que Xavière proteste contre le traitement réservé à son mari et voie en lui un saint ! Ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle que le mot a pris le sens dont on se gargarise aujourd'hui : nos politiques avaient sans doute compris entre-temps que, quoi que l'on fît, l'essentiel était bien de laisser croire que l'on allait toujours... de l'avant !