Viens poupoule...

< mardi 20 avril 2004 >
Complément

Peut-être Lionel Jospin y trouvera-t-il matière à consolation : dans le bras de fer linguistique qui opposa, il y a six ans, les féministes de son gouvernement à l'Académie française, c'est incontestablement aux premiers — ou aux (seules) premières ? — que les dictionnaires ont finalement donné raison. La plupart des noms de fonctions, hier masculins, sont aujourd'hui des deux genres. Ce qui nous vaut des titres comme celui que le lecteur aura relevé dans notre édition dominicale : « La maire de Lille a épousé l'avocat Jean-Louis Brochen. » Si elle n'a rien que de très correct, désormais, l'expression nous écorche plus l'oreille que « la ministre » et il n'est pas sûr que, sur un plan strictement esthétique, le prestige de ladite fonction y trouve réellement son compte. Sans doute l'homonymie de « mère » y est-elle pour quelque chose. Imaginez qu'un jour la promenade des Anglais se donne à une femme, « la maire de Nice » ne vous ferait-elle pas l'effet d'une pub pour Vedette ?

Mais il y a plus curieux : le féminisme grammatical ferait également des ravages — revenons à notre ferme et à ses moutons — chez nos amies les bêtes. Notre confrère Le Monde n'a-t-il pas précisé, dans son numéro du 11 avril, et en évoquant les poules que la production s'était vue contrainte d'amener sur place, que « les gallinacées arrivaient vite et picoraient de bon cœur » ? Il nous avait semblé jusqu'ici qu'au contraire de l'adjectif (d'ailleurs inconnu chez Larousse) le nom gallinacé était du masculin, qu'il renvoyât au coq ou aux poules. Sexisme devenu probablement intolérable dans les basses-cours, pourvu que Ségolène Royal y ait fait école. Cela dit, gare à la réplique des mâles : à quand les « cactacés » pour ne pas déplaire aux cactus, et les « graminés » pour rendre sa dignité au blé ?