Dépassons les bornes

< mardi 20 mars 2001 >
Complément

Attendu que 2001 est aussi « année européenne des langues », la Délégation générale à la langue française ne s'est pas cette fois cantonnée dans l'éloge de notre seul idiome. Dans une séduisante plaquette consacrée pour l'essentiel aux dix mots mis à l'honneur cette année (beauté, encore, flamme, inspirer, kyrielle, nuance, oiseau, quelqu'un, utopie, voyager), elle fait une petite place à ces expressions, impossibles à traduire de façon littérale, que l'on appelle des idiotismes. Si l'on savait depuis longtemps qu'un Britannique file à la française (to take French leave) chaque fois que nous, Français, filons à l'anglaise, on y apprend, non sans amusement, que le chat qui nous encombre la gorge se métamorphose, chez nos voisins anglais et allemands, en... grenouille ; qu'un Italien traque le poil dans l'œuf là où nous cherchons la petite bête ; que quand nous prenons nos jambes à notre cou, l'Allemand les prend, lui, sous les bras, tandis que l'Italien les met aux épaules ; que le Portugais, peu enclin à se mordre les doigts de quoi que ce soit, se tordrait plutôt l'oreille ; qu'un cadavre, outre-Manche, fait pousser les pâquerettes plus sûrement qu'il ne mange les pissenlits par la racine ; que, pour faire d'une pierre deux coups, l'Espagnol tue deux oiseaux d'un coup de feu. Enfin, voilà qui ne manquera pas de chatouiller agréablement notre amour-propre national : l'Allemand traduit vivre comme un coq en pâte par vivre comme Dieu en France (wie Gott in Frankreich leben)... Puissions-nous en avoir toujours conscience !