La Voix au chapitre
C'est un petit livre rouge, mais il n'a pas grand-chose à voir avec celui qu'aimaient à feuilleter les maos (apocope derechef !). Signé cette fois Pierre Bénard, il réunit quelque cent cinquante billets d'humeur — de mauvaise humeur, prévient l'auteur — publiés depuis 1997 par notre confrère Le Figaro. On aura reconnu au passage la rubrique Le bon français, laquelle a déjà donné naissance, par le passé, à des ouvrages de Maurice Druon et de Jean Dutourd, évoqués comme il se devait dans ces colonnes. Ce Petit Manuel du français maltraité, illustré d'un trait narquois par Benoît Jacques, recense avec humour les mille et un travers langagiers d'une époque qui n'a que trop tendance à réduire notre langue à la portion congrue que lui cuisinent les modes. « Parce qu'une expression a été lancée, qui a l'éclat du neuf, l'attrait de la jeunesse, s'indigne notre homme dans sa préface, pourquoi se ruer dessus sans cesse, ne voir plus qu'elle et enterrer cent autres formes qui feraient aussi bien l'affaire ? » Nul ne s'étonnera, dès lors, que se voient tailler des croupières les au jour d'aujourd'hui, c'est vrai que et autres tics plus ou moins « branchés » que nous stigmatisons nous-même régulièrement... avec une efficacité toute relative, il faut bien le reconnaître ! Modeste, Pierre Bénard annonce d'ailleurs d'entrée de jeu que nul n'est obligé de partager ses — nos — conceptions du goût. « Goût du simple préféré au long, du léger mieux aimé que le lourd, de l'ingénu mis au-dessus du sophistiqué, du naturel tellement plus beau que le prétentieux. » Sur la foi d'un tel credo, il se pourrait bien que nos lecteurs devinssent avant qu'il soit longtemps les siens...
Petit Manuel du français maltraité, par Pierre Bénard (240 p., Seuil, 15 euros/98,39 F).