Faut-il se réjouir
du retour en grâcedu défi en français ?
De même qu’une rencontre sportive s’annonce moins, désormais, par le biais d’un trait d’union que d’un « vs » ou d’un « v » (du latin versus, « contre »), les équipes qu’elle oppose s’affrontent moins qu’elles ne se défient.
Le chroniqueur de langue s’en est d’abord félicité, trop heureux que notre bon vieux défi, tellement typique de ce panache à la française qui parfumait les duels à l’ancienne, reprît du poil de la bête aux dépens de l’omniprésent « challenge » (prononcer [tchalainedge]) : le fait que ce dernier, qui s’écrivait à l’origine avec un seul « l », eût été français avant de battre pavillon britannique ne suffisait pas, en effet, à le consoler de ce énième délire anglomaniaque ! Il n’en comprenait que plus aisément qu’un commentateur pût trouver avantage à ce que l’OM défie le PSG, plutôt qu’il ne le rencontre, des plus platement. Après tout, voilà qui n’était pas sans introduire un zeste de nouveauté au sein d’un genre qui, par essence, est condamné à se renouveler fort peu.
Point trop n’en faut, pourtant, et gare au tic de langage : plus d’un se rappelle avec Stendhal que, si le premier poète à avoir comparé la femme à une rose reste un génie, tous ceux qui lui ont emboîté le pas furent des imbéciles… Que le XV de France défie les Blacks, avec tout ce que cela comporte de David face à Goliath, personne ne trouvera à y redire. Mais que les Tricolores défient la Namibie (comme on l’a entendu dans les jours qui ont précédé ce match de poule) ou qu’une richissime équipe subventionnée par le Qatar défie un club frais émoulu de Ligue 2, cela prête davantage, nous semble-t-il, à sourire. Pour que les mots conservent leur sens, mieux vaudrait que l’on gardât celui… des disproportions !
Il serait autrement judicieux, en revanche, de remettre aussi à l’honneur la construction pronominale dudit verbe, plus que jamais d’actualité à quelques jours de la déconvenue bleue devant l’Afrique du Sud. N’eût-on pas été inspiré en effet de… se défier plus encore de Springboks et de Blacks supposés un peu vite, dans l’euphorie d’un roman national écrit à l’avance, être sur le déclin, comme d’ailleurs de l’Angleterre, pour sa part jugée carrément « à la rue » : on sait aujourd’hui que ces trois équipes font partie d’un dernier carré dans lequel nous ne figurons pas. Sport, ton univers impitoya-a-ble !
Cette leçon de vocabulaire valait bien une gamelle, sans doute, aurait soufflé le fabuliste…