Quand Lille Métropole,
pour chanter le ballon ovale,
se love dans l'anglomanie

< dimanche 24 septembre 2023 >
Chronique

La semaine dernière, esprit maison oblige, votre serviteur avait spontanément endossé sa robe d'avocat pour plaider la cause d'un « transi » qui, à plus d'un lecteur, avait probablement valu un… chaud et froid !

La tâche s'annonce autrement délicate ce dimanche. Comment l'auteur de ces lignes — lequel, depuis près de trente ans, dénonce dans tous les azimuts l'usage immodéré et sans cesse grandissant de l'anglais à l'intérieur même de nos frontières — pourrait-il ne pas se récrier à la vue de ces panneaux clamant, d'un bout à l'autre de la capitale des Flandres, que « Lille Métropole loves rugby » ? Surtout quand notre confrère La Nouvelle République prend un malin plaisir à appuyer là où ça fait mal : « C'est dans la langue de Shakespeare, y lit-on, que les gens du Nord ont choisi de communiquer. »

Quand la région est en danger, il faut savoir faire flèche de tout bois, quitte à user d'arguments qui ont déjà beaucoup servi : les Hauts-de-France sont connus pour la chaleur de leur accueil, et le b.a.-ba en la matière ne consiste-t-il pas à souhaiter la bienvenue dans une langue que toutes les nations participantes puissent comprendre ? Imparable. Par charité, on fera mine d'oublier qu'aimer eût sans nul doute été compris de tous, surtout dans un pays réputé, à tort ou à raison, pour ses… « French Lovers » !

Alibi plus littéraire : ce verbe aimer, qui sert aussi à « liker » la vidéo de l'influenceuse vantant sur la Toile une marque de cirage, se serait révélé bien impuissant à traduire l'authentique passion qui s'est soudain emparée des chtis. C'est que le rugby, ici, on l'aime… d'amour ! Cette leçon valait bien un love, sans doute…

Enfin, c'eût pu être pis : vous aurez sûrement remarqué que l'accent aigu sur le premier « e » de Métropole a été épargné, ce qui indique assez que la totalité de la phrase n'est pas en anglais. Un oubli, c'est à craindre, mais on l'a échappé belle !

Voilà qui n'empêchera pas les aigris de parier que rien de tout cela n'a été évoqué ni pensé et qu'a seul pesé dans la balance ce bon vieux réflexe qui nous pousse à chercher ailleurs ce que nous avons sur place. La vérité, c'est qu'aux yeux des créateurs du slogan « Lille Métropole aime le rugby » aurait fait plat, ringard, et par trop… français.

Le temps d'une cérémonie d'ouverture, célébrer la baguette, la casquette et le coq, soit ! Mais notre langue, vous n'y pensez tout de même pas ?