Les lycées rouvrent leurs portes

Loup, y es-tu ?

< mardi 8 septembre 1998 >
Chronique

Quand ils ne seraient pas enthousiasmés outre mesure par la perspective de la rentrée, les lycéens auront-ils pour autant le sentiment, dans quelques jours, de se précipiter dans la gueule du loup ? C'est pourtant ce que voudrait l'étymologie : depuis leur fondation par Napoléon, nos lycées tiennent en effet leur nom du Lukeion d'Aristote, ainsi appelé parce qu'il était situé au nord-est d'Athènes, dans le « quartier du Loup ». On sait qu'il s'agissait là d'un gymnase — Allemands et Suisses préféreront d'ailleurs s'inspirer de ce dernier terme pour qualifier leurs propres établissements d'enseignement secondaire —, propice à la réflexion des péripatéticiens (c'est ainsi que l'on désignait, parce qu'ils devisaient en marchant, les disciples dudit philosophe, avant que le mot ne se féminisât et concernât des dévoreuses de trottoir aux préoccupations plus terre à terre). Voilà pourquoi les jeunes loups aux dents parfois longues qui peuplent nos cours de récréation ont un air de famille, linguistiquement parlant, avec le lycanthrope (version savante du loup-garou) de nos contes fantastiques ! C'est que le loup, s'il a déserté nos campagnes, reste omniprésent dans notre langue, comme pour attester la fascination qu'il exerça jadis sur les esprits. Encore faut-il, pour le tirer de ses multiples tanières, le reconnaître sous les masques du même nom dont il se couvre volontiers la face. C'est déjà lui qui se terre, sous une forme ancienne, dans l'expression à la queue leu leu ou dans divers toponymes tels que Saint-Leu. C'est lui encore, sous sa variante latine lupus, qui donne son nom, en médecine, à une dermatose du visage ; qui campe, aussi, sur le seuil de nos lupanars d'antan, il est vrai plus riches en louves (les péripatéticiennes, décidément !) qu'en loups. C'est lui, encore et toujours, qui se trouve probablement à l'origine de notre verbe louper, le loup se rapportant également, au figuré, à un ratage, à une malfaçon. Et comment ne pas évoquer en dernier ressort notre Louvre national, initialement « lieu où il y a des loups » ? On le voit, on n'a pas fini de hurler avec ces derniers !