En matière de chirurgicalement correct,
il y a encore à faire...

< dimanche 9 avril 2023 >
Chronique

Au chroniqueur de langue, tout est décidément bon pour mesurer l'évolution des pratiques langagières : jusqu'au séjour forcé en milieu hospitalier qui devient l'occasion de mêler l'utile au… désagréable !

La question était la suivante : en ces temps « inclusifs » où, politiquement correct oblige, il est de bon ton d'éviter tout terme qui fâche ou discrimine, s'attache-t-on, en aseptisant aussi son langage, à mettre le patient nécessairement angoissé dans les meilleures conditions possible ?

Sur certains points, il serait malvenu de le nier. Votre serviteur aura notamment remarqué que, dans la novlangue hospitalière, on ne subit plus un examen, une opération encore moins. Aujourd'hui, on bénéficie d'une IRM de contrôle ou d'une résection transurétrale de la prostate. Avouez que, tout de suite, on se sent beaucoup mieux ! De même, on tend de plus en plus, dans la littérature médicale, à substituer au mot intervention — lequel, sans doute, remuait par trop des images de bistouris et de scalpels — l'autrement neutre et atone geste. On lira par exemple que « les anti-inflammatoires ne sont pas recommandés deux semaines avant et trois semaines après le geste ». Voilà, vous en conviendrez, un bien bel euphémisme, qui n'a pas grand-chose à envier à ceux de notre Éducation nationale, capable de faire des chieurs des « élèves vivants » comme de transformer le rébarbatif devoir en inoffensive « production écrite » !

Autre avancée à saluer : la quasi-éradication, à défaut de la chose, du mot mal. En effet, l'auteur de ces lignes a eu beau, en mâle douillet qui se respecte, se renseigner au préalable, jamais il ne s'est entendu dire que la pose ou l'ablation d'une sonde urinaire se révéleraient éventuellement douloureuses. Tout au plus lui aura-t-on concédé que cela pouvait paraître désagréable, et encore, à certains ! Cela ne l'aura pas empêché de se cramponner aux draps alors qu'il lui était plutôt demandé de respirer calmement et de se détendre, mais c'est déjà ça…

Il est pourtant un point sur lequel, à l'évidence, on n'a guère progressé : on finit tôt ou tard par conduire les hospitalisés au « bloc », ce mot terrifiant qui, pour claquer tel un couperet de guillotine, n'en est pas moins préféré dans le jargon du cru — et ce, depuis plusieurs décennies — à la moins traumatisante « salle d'opération » de naguère. Mais il s'agit probablement là de l'exception censée confirmer la règle !