Au royaume du sport,
« chirurgical », c'est bien ;
« clinique », c'est encore mieux !

< dimanche 18 décembre 2022 >
Chronique

Il y a plus d'un an, nous nous amusions d'un langage sportif qui ne prêchait quasiment plus que par le « chirurgical ». Il semblerait que, depuis lors, on ait franchi un nouveau pas avec l'avènement du… « clinique ».

La Coupe du monde qui se termine ce soir aura bien évidemment constitué, de ce point de vue, une formidable caisse de résonance. Mais, grâce à notre confrère L'Équipe, on se doutait depuis novembre (« Contre ce genre d'équipe clinique, il faut éviter de faire des erreurs », Philippe Montanier, après la défaite de son TFC devant Rennes), et même depuis mai (« Décryptage : comment Unai Emery a fait de Villarreal une équipe clinique en Ligue des champions »), que la chose était, comme on dit en français d'aujourd'hui, « dans les tuyaux ».

Voilà qui n'aura pas manqué d'étonner les férus d'étymologie qui savent de toute éternité que le clinique, parce qu'il est issu du verbe grec klinein (« être couché »), s'applique, à proprement parler, au « malade qui est au lit ». Quel rapport, se seront-ils demandé à une époque où l'on ne tremblait pas encore devant le virus du chameau, avec l'efficacité attendue d'une équipe, voire son « réalisme devant le but » ? En dehors du cas très particulier du joueur qui, à l'occasion d'un coup franc, s'allonge sur le terrain, au pied du mur que forment ses coéquipiers pour parer à un éventuel tir à ras de terre (lesdits coéquipiers ayant tendance à sauter de concert pour intercepter le ballon qui s'élève neuf fois sur dix), on ne voit pas !

Mais, objecterez-vous, nos dictionnaires de référence font peut-être état d'acceptions dérivées, lesquelles légitimeraient le sens dont se réclament les commentateurs sportifs ? Eh bien, non ! Pour l'heure, il n'est question, chez Larousse comme chez Robert, que d'examiner le patient à son chevet, d'observer les manifestations extérieures de la maladie. Rien de neuf non plus sous la Coupole, le footballeur d'occasion Giscard d'Estaing n'étant plus là pour faire avancer le schmilblick.

C'est vers le Trésor de la langue française ou, en ligne, vers le Wiktionnaire qu'il faut se tourner pour trouver l'ombre d'une piste : « qui a la sécheresse des diagnostics médicaux ». Comprenez : « qui ne s'embarrasse pas de circonlocutions pour annoncer que l'on est fichu ». L'équipe clinique serait donc celle qui, plutôt que de se perdre en fioritures, ne voit, pragmatique, que par le tableau d'affichage. Au fond, n'est-ce pas là le portrait-robot de nos Bleus du jour, alités qui plus est ?