Plus poétique que lui, tu meurs :
l'écoute-s'il-pleut !

< dimanche 29 mai 2022 >
Chronique

Par ces temps de sécheresse et de réchauffement climatique, où les gouvernements eux-mêmes semblent se constituer... sans précipitation aucune, est-il mot plus congruent à la situation que l'écoute-s'il-pleut ?

À n'en pas douter, voilà l'antidote absolu au covidé, à l'écoanxiété et à la chick lit qui s'impatronisent, ces derniers jours, dans les colonnes de nos dictionnaires assoiffés de nouveauté ! À l'origine surnom gentiment ironique donné au « moulin à eau installé sur un ruisseau à faible débit et dont le réservoir ne s'emplit que lorsqu'il pleut », voire, sur des terres plus arides que les nôtres, à un cours d'eau peu abondant ou à un étang carrément à sec, ce vocable haut en couleur aura fait le bonheur de moult acceptions figurées, toutes plus pittoresques les unes que les autres : il s'est appliqué tour à tour, selon le Dictionnaire historique de la langue française, à une « promesse illusoire », à une personne qui « s'en remet à un coup du hasard » pour atteindre ses objectifs, et même, de façon plus péjorative encore, au velléitaire « qui se laisse arrêter par les moindres obstacles ». D'autres sources ajoutent au tableau l'insouciant, le fainéant, l'utopiste, et jusqu'à l'espion qui joue les distraits pour cacher sa curiosité ! Le drôle aura en tout cas connu son heure de gloire avec un certain Hugo, Victor de son prénom, qui, à en croire le Trésor de la langue française, se serait un jour fendu d'un « Je paye en riant tes écoute-s'il-pleut d'un va-t'en-voir-s'ils-viennent ! »

On ne saurait dire, au moins littéralement, que l'infortuné a ensuite été rayé de la carte puisque, pour avoir laissé de nombreuses traces dans la toponymie, en pays d'oïl (Wallonie comprise) comme en pays d'oc (Sud-Est excepté), il continue de parler poésie à ceux qui, au langage impersonnel de nos autoroutes, préféreront toujours, en Bisons futés qui se respectent, le franc-parler de nos lieux-dits. La plupart des dictionnaires, en revanche, l'ont oublié : c'est qu'il faut faire de la place aux anglicismes d'aujourd'hui !

Le génocide des mots composés, froidement encouragé par des « Rectificateurs de 1990 » soucieux de simplifier la mise au pluriel, n'aura rien arrangé. Et tant pis si nos néologismes, à l'aune du charme et de la fantaisie, sont à nos archaïsmes ce que les éoliennes sont aux moulins d'antan !