Le français occupera-t-il le terrain ?

Ne ratons pas le coach !

< mardi 16 juin 1998 >
Chronique

Rassurons d'entrée de jeu les âmes sensibles : pas question de tirer ici sur Aimé Jacquet, lequel s'est d'ailleurs refait une santé contre l'Afrique du Sud. Ce n'est pas davantage que nous soyons particulièrement frileux sur le chapitre des anglicismes. Toutefois, il nous avait semblé que cette Coupe du monde devait être l'occasion de promouvoir notre pays, son mode de vie, sa culture, sa langue. Est-ce bien en affichant à tout bout de champ sur le petit écran, à côté du nom du sélectionneur, le mot coach que l'on y parviendra ? Il est, pour le moins, permis d'en douter. Certes, nous connaissons par cœur les objections que l'on ne manquera pas de nous faire. D'abord, il y aurait plus dans ce coach que dans notre bon vieil entraîneur : il ne s'agit plus seulement, qu'on se le dise, de veiller à la préparation physique des joueurs mais aussi de présider aux choix tactiques sur le terrain, de réagir à chaud aux événements en décidant, par exemple, du remplacement de tel ou tel. De pratiquer le « coaching », quoi, puisque, c'est bien connu, un ennui ne vient jamais seul ! Dont acte. Nous aimerions simplement être sûr que tout cela ne relève pas, comme souvent, d'une justification a posteriori, autrement dit que le mot coach recouvrait bien, à l'origine, ces multiples sens dont nous le parons si généreusement. Et quand cela serait, notre entraîneur ne suffisait-il pas à la tâche ? Entraîner, après tout, ne signifie pas seulement « préparer à une performance sportive » mais aussi « mener, conduire, guider. » Rien d'incompatible, nous semble-t-il, avec les diverses fonctions évoquées plus haut... On nous opposera encore que le football reste, dans l'esprit, un jeu anglais et qu'il nous faut bien user du vocabulaire ad hoc ! Rappelons pourtant à ces adeptes de la version originale que la Coupe du monde et les compétitions européennes sont, elles, des inventions françaises, et que cela n'empêche pas certains de préférer l'imprononçable Champions' league à la — tellement moins snob, il est vrai — Ligue des champions... Et l'on voudrait que, devant ce coach, l'on ne prît pas la mouche ?