Des « Experts » à la « Star Academy »
c'est le tournant « people » !
Le conseil scientifique, hier encensé, ne semble plus avoir la cote. Jaloux de ses prérogatives, le chef de l'État tend à s'affranchir de sa tutelle, allant jusqu'à lui préférer les stars pour promouvoir la vaccination.
C'est ainsi que, la semaine dernière, le chef du gouvernement s'est mis à rêver tout haut d'une Sheila qui lui donnerait la main et tendrait le bras à l'AstraZeneca, histoire de ranimer une flamme de plus en plus vacillante. Le choix en aura surpris plus d'un. Certes, L'Heure de la sortie est bien faite pour rappeler à chacun les obligations du couvre-feu. Pas sûr, en revanche, que L'école est finie cadre avec une politique soucieuse de maintenir coûte que coûte les établissements scolaires ouverts, au nom d'une certaine exception française. Quant au tube Long sera l'hiver, on a connu plus enthousiasmant pour remonter le moral des troupes au sortir de l'été..
Il n'en reste pas moins que le virage est clair et à 180 degrés : fi des mandarins et des pontes, bonjour les « people » ! L'occasion pour l'amoureux de la langue de s'attarder un instant sur le fabuleux et paradoxal destin de cet anglicisme, à supposer que c'en soit un !
C'est que le mot descend en droite ligne, quand bien même il aurait fait un crochet par Albion, de... l'ancien français pueple : ce sont les Anglais qui nous l'ont emprunté les premiers, à la fin du XIIIe siècle ! De surcroît, le sens que nous lui donnons depuis qu'il a réintégré le bercail hexagonal, il y a quelque trente ans, n'a que peu à voir avec celui qu'on lui donne de l'autre côté du Channel : on est là-bas resté beaucoup plus fidèle au sens premier, en ceci qu'au Royaume-Uni un people est moins « quelqu'un » que « n'importe qui ». Pour évoquer les gens « en vue », ceux qui font parler d'eux, les Britanniques usent plus volontiers de celebrities, ou du moins font précéder ce people de l'adjectif famous, ce qui change évidemment la donne !
Quant à nous, Français, ne nous rebute apparemment pas le fait que nous confions à un seul et même vocable le soin d'exprimer deux réalités diamétralement opposées : sous sa forme anglaise pour figurer la crème, le gratin ; sous sa forme française pour renvoyer à la plèbe, au vulgum pecus ! Qui niera en effet la dimension péjorative d'une locution telle que « faire peuple » ?
On finirait par se demander si, parfois, nous ne donnons pas des verges pour nous faire battre...