« Pandémie mondiale » :
chronique d'un pléonasme... dénoncé !

< dimanche 6 décembre 2020 >
Chronique

Pour avoir aperçu l'expression dans son journal préféré, un lecteur se fait un brin taquin. Y a-t-il pourtant lieu de titrer « Pan sur le bec », à l'instar du Canard enchaîné quand il est pris le pied palmé dans le sac ?

L'étymologiste répondra probablement oui. Le préfixe grec pan, que l'on retrouve dans des mots tels que panacée, panoplie, panorama, panthéon, signifiait « tout ». Inutile, par conséquent, d'en rajouter en donnant inutilement dans le pléonasme : la panacée étant, par exemple, censée tout soigner, n'allons pas enfoncer des portes ouvertes en la qualifiant d'universelle ! De même, pourquoi donner du « mondial » à une épidémie qui, dès lors qu'elle est officiellement étiquetée comme pandémie par l'OMS, ne peut plus, par définition, qu'affecter (impacter, comme on dit vilainement aujourd'hui) l'ensemble du globe ?

Il y a toutefois des chances pour que le lexicographe se montre autrement mesuré : l'étymologie est une chose, l'usage en est une autre ! Et il n'est que de consulter quelques dictionnaires pour s'apercevoir que l'unanimité est loin de se faire sur le sujet. Si tout le monde s'accorde en effet à dire que la pandémie ne boxe pas dans la même catégorie qu'une banale épidémie, les choses se gâtent quand il s'agit de définir des seuils.

Chez Robert, on fait état d'un « grand nombre de personnes touchées, dans une zone géographique très étendue ». Difficile de faire plus vague ! On l'est un peu moins chez Larousse, avec une « épidémie qui s'étend sur un ou plusieurs continents ». Pour autant, rien de planétaire encore. On y arrive presque avec nos académiciens, lesquels parlent, dans la dernière édition de leur Dictionnaire, d'une « épidémie qui touche la population de tout un continent, voire du monde entier ». Cette fois, ça peut faire le tour... mais c'est visiblement en option ! Et s'il n'est pas incongru d'évoquer une pandémie à l'échelle d'un seul continent, quel mal y aurait-il à trouver « mondiale » celle qui en frappe cinq ?

L'estocade est portée par le Trésor de la langue française, qui accueille parmi ses exemples un extrait signé Robert Schwartz où la grippe espagnole de 1918-19 se voit sans vergogne traitée de... « pandémie mondiale » !

On aura compris que l'auteur de ces lignes évitera de prêter lui-même le flanc à cette critique-là. Mais si d'aventure il vient à entendre l'expression, il n'en fera pas non plus... tout un monde !