Au détriment du collectif, la tentation
croissante de « la jouer perso » ...
Rassurez-vous, vous ne vous êtes pas trompé(e) de page, et il sera moins question ici de la récente défaite du PSG que de dérive langagière. Au vu du titre, c'est vrai, il y avait de quoi s'y tromper !
En réalité, cette chronique fait écho à une phrase entendue sur un plateau d'information en continu, selon laquelle il manquait quelque part « deux cent cinquante personnels médicaux ». Habitude a été prise, en effet (et la crise sanitaire n'aura fait qu'amplifier le phénomène), d'user du collectif personnel pour parler d'individus. Un peu comme si, par la grâce d'une métonymie douteuse, le membre du personnel d'hier était devenu personnel à part entière aujourd'hui. Elle n'est pas belle, la promotion sociale ?
L'Académie, bien sûr, s'étrangle. Dans le Dire, ne pas dire qu'elle vient de publier aux éditions Philippe Rey, elle s'insurge même : « Personnel est un nom collectif qui désigne toujours un ensemble d'individus. Aucun dictionnaire, aucune grammaire n'en mentionne l'emploi au pluriel, sinon Le Bon Usage de Grevisse, qui le signale comme fâcheux. » (Remarquons ici que le Petit Robert en fait désormais autant, en évoquant, lui, un tour « critiqué ».) « Personnel n'est acceptable au pluriel, poursuit l'Académie, que si l'on veut désigner plusieurs catégories distinctes d'individus, par exemple les personnels civil et militaire des armées. »
À la rigueur, le doute est donc permis chaque fois que sont en cause les personnels d'un hôpital ou d'un lycée : il se peut en effet que, dans un louable souci de précision, on distingue entre les personnels soignant et non soignant là, les personnels enseignant, administratif et d'entretien ici. Totalement injustifiable apparaît en revanche l'allusion aux deux cent cinquante personnels médicaux susdits : volonté d'exactitude ou pas, il est assez peu probable que l'on trouve au sein d'une entreprise, si monumentale soit-elle, autant de catégories de personnel !
Cette folie des grandeurs linguistique n'est malheureusement pas rare : depuis longtemps, on n'hésite plus à faire d'une malheureuse lettre un courrier à elle toute seule ! Quant au courriel québécois que l'on vous cite un peu vite en exemple pour terrasser l'e-mail, il serait bon de n'en user que pour évoquer le « courrier électronique » dans sa globalité et de lui préférer, dans tout autre cas, un simple message.