Autour du masque,
bâtissons la liste... de nos envies !

< dimanche 6 septembre 2020 >
Chronique

Il suffit d'avoir fait cours une fois dans sa vie pour deviner combien le port du masque va compliquer la tâche, déjà ingrate, des enseignants, tant sur le plan de la communication que sur celui de l'animation.

Glissons pudiquement sur le versant disciplinaire du problème, n'eût-il rien de virtuel, l'état de grâce de la rentrée une fois dissipé. C'est que souvent l'autorité ne tient plus qu'à une inflexion de voix ou une expression du visage, repères désormais caducs. Cela dit, on se gardera de dramatiser : une classe d'élèves masqués n'a pas (forcément) vocation à se muer en association de malfaiteurs !

À quelques-uns malheur peut même être bon, nous songeons là aux profs de lettres dont, dans une autre vie, nous eûmes l'honneur de faire partie. On sait que, pour l'oral du baccalauréat, ils ont à bâtir une liste d'extraits autour de thèmes et de problématiques littéraires. Pourquoi, cette année, ne pas la consacrer d'un bout à l'autre au masque ?

Au sens propre, la littérature regorge de bals plus ou moins masqués : du Roméo et Juliette de Shakespeare à La Curée de Zola, en passant par La Princesse de Clèves chère à Nicolas Sarkozy, on a l'embarras du choix ! Les « masques et bergamasques » du Clair de lune de Verlaine ne dépareraient pas le décor. Sans compter un groupement de textes sur cette commedia dell'arte qui usa et abusa de la « maschera », et un autre sur la Sérénissime, patrie du carnaval s'il en fut jamais. L'occasion rêvée, pour l'apprenti bachelier, de mourir sinon à, du moins sur Venise !

Au figuré, le masque (qui s'est jadis dit de la personne qui le portait) serait prétexte à l'étude de faux culs notoires, à commencer par l'indémodable Tartuffe. Mais la marquise de Merteuil des Liaisons dangereuses et l'abbé Troubert, dans le très balzacien Curé de Tours, auraient leur mot à dire.

Toujours bien vu en haut lieu, le détour par des formes d'expression moins classiques : feraient ici merveille le polar, pourvu que l'on pioche dans la mythique collection Le Masque, et la bande dessinée, avec, très tendance, Les Aventures potagères du Concombre masqué, de Mandryka.

On ne nous ôtera pas de l'idée que ce genre de clin d'œil disposerait favorablement l'examinateur (lequel, dans le civil, est aussi un collègue), pour peu qu'il fût perméable à l'humour. Quant à l'inspecteur, s'il venait à avoir le masque, l'autre le recouvrirait !