Scènes de genre (2)
Masculin, oui... Macho, non !
Qu'on se le dise : si le secrétaire perpétuel de l'Académie française est monté au créneau avec la vigueur qu'on lui connaît, ce n'est pas seulement pour défendre une langue dont il se veut le dépositaire ; à l'en croire, c'est aussi pour défendre... les femmes ! Le moment de surprise passé, force est d'admirer l'habileté de la démonstration : ce masculin ministre, dans lequel ces dames du gouvernement ne sont pas loin de voir le mâle absolu, supplée en réalité le neutre qui, on le sait, fait défaut au français. Il n'a rien à voir avec le sexe de la personne intéressée — c'est la fonction qui compte ici, non l'organe ! — et a vocation à représenter les éléments relevant de l'un et l'autre genre : s'étonne-t-on qu'une ville de cent mille habitants compte aussi des femmes ? User du féminin, genre « marqué », aurait au contraire pour conséquence d'instituer une distinction entre les sexes, celle-là même qu'à juste titre entendent combattre nos féministes ! Reconnaissons avec Maurice Druon que le recours au féminin pourrait se retourner contre ses plus zélés défenseurs. Il n'est pas sûr, par exemple, que Martine Aubry préfère passer pour la meilleure ministre du gouvernement plutôt que pour le meilleur : elle ne l'emporterait en effet, dans le premier cas, que sur ses homologues du beau sexe... alors qu'elle peut, visiblement, prétendre à mieux ! Au passage, l'occasion était belle pour l'Académie de laver notre grammaire de tout soupçon de sexisme : après tout, il n'est pas rare que des mâles dûment estampillés se voient désigner par un mot féminin. Difficile de savoir, évidemment, si les girafes, les panthères ou les sittelles concernées s'en sont senties diminuées ! Mais a-t-on jamais vu une sentinelle, une vigie, ou encore une estafette prendre les armes pour pareille raison ? De même, quand le réputé macho Johnny Hallyday veut promouvoir son dernier disque, ce n'est pas de n'être qu'une vedette, une célébrité ou une star qu'il choisit de se plaindre dans les colonnes du Monde ! Argumentation habile, encore une fois, mais qui n'a que partiellement convaincu, nous le verrons sous peu...