Des empreintes concordantes
à l'air... emprunté des enquêteurs

< dimanche 20 octobre 2019 >
Chronique

Le malheur est grand : se voir soupçonné d'avoir tué femme et enfants n'est à souhaiter à personne, cela dût-il arriver à notre pire ennemi. Pour le chroniqueur de langue, pourtant, à quelque chose malheur est toujours bon.

Ainsi, et puisque ce nouvel avatar de l'affaire Dupont de Ligonnès n'aura finalement fait d'autre victime que la crédibilité de certains services de police (on ne savait pas nos amis écossais aussi avares... de précautions), ledit chroniqueur saisira sans fausse honte l'occasion de revenir sur une faute de plus en plus fréquente, née de la confusion entre deux familles de mots qui se ressemblent, mais que rien n'assemble. Il est certes exceptionnel que l'on se méprenne sur ces « empreintes » que nos progénitures abandonnent consciencieusement derrière elles pour témoigner de leur passage, un peu partout dans la maison. Tout aussi rarissime que l'on estropie cet « emprunt » qui n'est que trop familier à notre époque endettée entre toutes. En revanche, que la barre s'élève un tant soit peu, troquant les contraintes bassement matérielles de notre univers désespérément trivial contre les sphères autrement éthérées du sentiment, et nous voilà aussitôt à la merci d'un ton « emprunt » de cordialité, d'un visage « emprunt de tristesse », ce qui, vous en conviendrez, n'a plus grand-chose d'orthodoxe : ces derniers ont en réalité beaucoup plus à voir avec le verbe empreindre (« imprimer, imprégner, marquer ») qu'avec emprunter ! Mais, c'est bien connu, on ne... prête qu'aux riches, entendez par là aux mots qui prennent soin d'arroser nos phrases de tous les jours. Le confirme avec éclat, parmi une ribambelle d'autres exemples possibles, notre propension coupable à écrire « par acquis de conscience » plutôt que « par acquit », le verbe acquérir revenant plus spontanément sur nos lèvres et dans nos phrases que son collègue acquitter.

L'erreur qui nous retient aujourd'hui est d'autant plus incompréhensible qu'elle insulte au moins autant la phonétique que le sens. Las ! il est à craindre que depuis belle lurette il ne soit plus nécessaire d'être bi pour ne point faire la différence entre un « beau brun » et un « beau brin de fille » !

C'est d'autant plus vrai dans nos contrées septentrionales, où tout se prononce sur un mode grand ouvert qui n'est pas sans rappeler celui d'un certain Dany Boon dans un inoubliable Bienvenue chez les Ch'tis.