Compère, commère, complice, comparse :
tout ça devient compliqué !

< dimanche 23 juin 2019 >
Chronique

Au carrefour de la féminisation à tous crins et de la Coupe du monde féminine de football, il faut s'attendre (cela a, du reste, déjà commencé) à voir ou à entendre évoquer telle joueuse et « sa compère de l'attaque »...

Voilà qui ne manquera pas d'étonner les nombreuses gens qui savent, pour l'avoir de surcroît vérifié dans le dictionnaire, que compère est un nom masculin. La fin du mot, laquelle descend en droite ligne du latin pater, est d'ailleurs là pour le rappeler à quiconque serait tenté de l'oublier : compère, sur les fonts baptismaux de jadis, a renvoyé au parrain, quand la marraine était la... commère.

Il n'est pas besoin d'expliquer pourquoi nos commentateurs répugnent aujourd'hui à user de ce féminin tout trouvé. C'est que, la première extension de sens passée (celle-là allait plutôt dans le sens de l'amitié et s'appliquait simplement à la voisine ou à l'amie), ledit mot s'est chargé d'une connotation résolument péjorative, la commère devenant celle qui commère, en d'autres termes qui colporte les ragots du voisinage. Il n'en fallait pas davantage pour qu'il fût frappé du sceau d'infamie et s'exclût de lui-même dans un contexte où il importe que les activités féminines soient au contraire portées au pinacle...

Exit donc ce commère à jamais déconsidéré, et tant pis si, au passage, la langue doit de nouveau souffrir mille morts avec ce masculin devenu bon à tout faire. Ce ne serait pas la première fois, après tout, que l'on entendrait parler d'une membre du conseil municipal ou de la Prix Goncourt ! D'aucuns, soucieux de ménager la chèvre grammaticale et le chou d'Ève, suggéreront peut-être que complice aurait pu faire l'affaire, sans provoquer les mêmes dégâts syntaxiques puisque le terme en question est pour sa part, et depuis belle lurette, des deux genres. Mais il ne manquera sans doute pas de rabat-joie pour rappeler que ce mot-là aussi s'utilise des plus régulièrement pour des actions que la morale réprouve...

Ne parlons pas de comparse, qui condamne à un rôle de second plan la personne qu'il désigne. Plus question, partant, de l'appliquer à une femme, dans la période sexuellement correcte que nous traversons !

Reste consœur, quand ce vocable prêterait un tantinet à sourire sur un terrain de football. Et si, tout bien pesé, on se contentait de partenaire ?