« Et ça continue encore et encore,
c'est que le début, d'accord ? »
Pas d'accord !
Le chroniqueur de langue n'a pas à se prononcer dans le débat que suscite le traitement de l'actualité par les chaînes d'information continue. Celles-ci n'amplifient-elles pas l'événement, nous privant du nécessaire recul ?
Laissons à des plumes autrement avisées que la nôtre le soin de répondre, et contentons-nous de feuilleter Google à la recherche de notre syntaxe perdue : « Borne tactile : l'information en continue et en quelques clics » (Ouest-France) ; « Russia Today lance sa chaîne d'information en continue en France » (Europe 1) ; « Les moyens déployés pour traiter l'information en continue grisent ceux qui les pilotent » (Le Figaro) ; « La chaîne d'information en continue affiliée à Canal + est dans la tourmente » (L'Express) ; « Pour la première fois, les chaînes d'information en continue sont aussi concernées » (Le Journal du dimanche) ; « En 2015, pour l'information en continue gratuite, les Français avaient le choix entre i-Télé et BFM TV » (La Croix) ; « Il vise notamment l'incident filmé et diffusé en boucle sur les chaînes d'information en continue » (Le Point) ; « CNews, la chaîne d'information en continue du groupe Bolloré » (Libération). Et ne jouons pas l'hôpital qui se moque de la Charité : « Toujours selon la chaîne d'information en continue, trois personnes ont été placées en garde à vue » (La Voix du Nord). La RTBF elle-même ne se fait pas faute (enfin, façon de parler) de titrer : « Une chaîne d'information en continue affiliée à CNN lancée dans les Balkans ».
Pour peu que l'on s'y arrête un instant, qui ne verrait que, s'il est normal d'écrire « information continue », l'épithète s'accordant des plus logiquement avec le nom féminin qu'elle qualifie, le en qui vient s'immiscer entre adjectif et substantif redistribue les cartes ? Évoquerait-on une émission « en directe » ? une retransmission « en différée » ? Pour tous nos dictionnaires, ce sont en continu, en direct et en différé qui s'imposent. Même si, pour mener à Rome, les chemins divergent un brin : chez Larousse et Robert, on est clairement passé de l'adjectif au nom masculin, alors que, pour l'Académie, et notamment sur continu, les choses relèvent davantage de l'implicite. Mais qu'importe le flacon pourvu que tous succombent à l'ivresse de l'invariabilité ?
Il ne reste plus, on l'a vu, qu'à convier la presse à cette beuverie lexicographique !
P. S. Pour ce qui est de en simultané, les choses se compliquent un tantinet, le petit monde des échecs étant à l'origine d'un substantif à l'acception clairement circonscrite : « épreuve au cours de laquelle un joueur d'échecs affronte plusieurs adversaires en même temps ». C'est ainsi que Robert fait état d'une « partie jouée en simultanée ». Cela suffit-il à exclure le masculin, sur le mode de ce qui est écrit plus haut ? Dans l'absolu, nous ne le pensons pas. Dans le cadre d'une compétition orthographique, régie par les ouvrages de référence que l'on sait, ce serait peut-être une autre histoire...