Giratoire ou rond-point ?
Rendez plutôt aux Français
leurs feux tricolores !
Depuis qu'a éclaté la révolte que l'on sait, le « rond-point » l'emporte haut la main, dans les comptes rendus des médias, sur le « giratoire ». Symbole, là aussi, de la revanche de l'ancien monde sur le nouveau ?
Force est de reconnaître que bon nombre de nos dictionnaires font tout pour entretenir le flou. Chez nos académiciens (qui doivent emprunter le métro !), le giratoire (raccourci, il est vrai, de « carrefour à sens giratoire ») n'a toujours pas droit de cité en tant que nom. Ne misons pas davantage sur Robert, pour qui ledit nom, s'il existe bien, est présenté comme une variante régionale de rond-point, et plus particulièrement comme un helvétisme ! Seul Larousse (peut-être alléché par l'odeur d'une baisse « drastique » du coût du permis) semble avoir révisé son code, puisqu'il précise que le giratoire est un « rond-point où la priorité est à gauche ».
Si la précision nous autorise déjà à conclure que la place de l'Étoile est un rond-point (hors certains samedis où c'est le plus équipé, pour ne pas dire le plus caparaçonné, qui progresse), des esprits taquins objecteront sans doute que nous ne sommes pas plus avancés au moment de déterminer si les carrefours concernés par les blocages sont des giratoires ou des ronds-points. D'abord parce que, plus rien ne bougeant, la question de la priorité perd beaucoup de sa pertinence. Ensuite et surtout parce que le caractère protéiforme et officiellement apolitique du mouvement ne permet certes pas de savoir s'il penche à gauche ou à droite !
Il reste qu'au dire des auto-écoles les giratoires, réalisations plutôt récentes, sont infiniment plus nombreux que les ronds-points et qu'ils représentent la quasi-totalité des points chauds tenus par les contestataires au gilet jaune. Stricto sensu, le dessinateur Gros se trompe donc quand, dans Marianne, il met dans la bouche d'un Macron excédé : « Déjà, trouvez-moi le débile qui a construit des ronds-points partout ! »
Cela dit, sur le fond, il y a peut-être là plus qu'une boutade... Avec les anciens carrefours, il arrivait de temps en temps que les feux fussent au vert. Tandis qu'aujourd'hui, la langue nous le rappelle assez, c'est du « perdant-perdant ». Pour peu que les giratoires soient bloqués, plus rien ne tourne rond. Mais qu'ils soient rendus à la circulation, et l'on n'en a pas moins le sentiment de... tourner en rond. Frustrant, non ?