De saint-père en syntaxe...

Maudit béni(t) !

< mardi 9 septembre 1997 >
Chronique

Si la venue en France de Jean-Paul II, au cœur d'un été traditionnellement creux pour l'information, a pu passer d'abord pour... pain bénit, elle n'aura pas été sans provoquer quelques angoisses au sein des rédactions. Dame ! C'est qu'il faut se méfier de notre orthographe quand elle déserte les sentiers de la raison pour s'aventurer sur ceux de la foi... Allez vous souvenir que Saint-Esprit prend un trait d'union, Sainte Vierge non ! Que le locataire de Saint-Pierre est le successeur de saint Pierre ! Surtout, allez maîtriser ce maudit bénir, l'un de nos rares verbes à proposer deux participes passés : béni,e et bénit,e ! Faut-il écrire, par exemple, que la foule a été bénie par le Saint-Père, ou qu'elle a été bénite par lui ? Sauf son respect, il n'est pas même sûr que l'intéressé fasse preuve là-dessus de sa statutaire infaillibilité, tant les grammairiens se contredisent... Essayons, sans pontifier outre mesure, d'y voir plus clair. Bénit ne s'emploie qu'en cas de bénédiction rituelle donnée par un prêtre : c'est le lot du pain que nous évoquions un peu plus haut, comme d'ailleurs de la médaille et de l'eau, lesquelles seront à bon droit dites bénites... Encore faut-il qu'il soit question d'objets car la règle ne vaut plus lorsque sont concernées des personnes : la foule de tout à l'heure, même s'il s'agit bien, en l'occurrence, d'une bénédiction rituelle, ne peut être que bénie... sauf à supposer (pure hypothèse d'école) que le fidèle exhibe la partie la plus charnue de son individu, auquel cas il deviendrait évidemment, pour l'orthographe, un cul-bénit ! Jusque-là, c'est l'œcuménisme. Les querelles de chapelle ressuscitent dès que le participe est construit avec un auxiliaire. Si tous s'accordent pour interdire bénit à l'actif (Le prêtre a béni la médaille), au passif les avis divergent. D'aucuns recommandent La médaille a été bénite par le pape, quand d'autres, qui se refusent à utiliser bénit autrement que comme adjectif, prônent bénie. Bref (si nous osons dire), faites comme bon vous semble dans ce dernier cas : l'essentiel n'est-il pas d'éviter de passer... pour un béni-oui-oui ?