Du seigneur d'antan aux caïds d'aujourd'hui :
l'itinéraire de la banlieue...
Que l'on songe aux quartiers huppés de Neuilly-sur-Seine ou à ceux, infiniment moins favorisés, du 9-3, la banlieue projette sur l'écran de notre imaginaire des scènes exclusivement contemporaines.
Partant, qui pourrait croire que ladite banlieue est en réalité vieille de... neuf siècles ? Difficile, cependant, de faire plus limpide en matière d'étymologie, puisqu'elle doit son nom à l'agglutination de deux mots qui fleurent bon les temps reculés du passé médiéval : ban et lieue !
La lieue n'est autre que cette ancienne mesure de distance qui correspondait approximativement (car cela variait selon les régions) à quatre de nos kilomètres et que Charles Perrault comme Jules Verne multiplièrent, le premier par sept, le second par vingt mille, afin de mieux nous plonger dans les abysses de leur imagination débridée. Trop heureux si l'on s'en souvient suffisamment aujourd'hui pour ne pas lui substituer un coupable lieu, comme cela s'est vu naguère au sein d'un ouvrage qui prétendait nous entretenir des 201 livres qu'il [fallait] avoir lus pour ne pas mourir idiot (ce qu'auront préféré faire ceux qui se seront aperçus de la coquille) ! Quant au ban, il ne s'agissait ni plus ni moins que de la loi proclamée par le suzerain, et dont la non-observance entraînait une peine. Banlieue était donc, selon la définition du Dictionnaire historique de la langue française, un « terme de féodalité qui désignait l'espace — d'environ une lieue — autour d'une ville, dans lequel l'autorité faisait proclamer les bans et avait juridiction ».
Chacun aura compris que l'espace en question relevait moins, alors, de l'architecture bétonnée que de la rase campagne ! Ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que, le paysage s'urbanisant peu à peu, le terme s'appliquera à l'ensemble des agglomérations qui entourent une grande ville, et plus particulièrement la capitale.
Il n'aura non plus échappé à personne que, par un de ces avatars dont la langue et l'histoire sont étrangement coutumières, ce vocable qui servait autrefois à délimiter le lieu où s'exerçait le pouvoir est plus couramment perçu, de nos jours, comme une zone de non-droit où politiques et forces de l'ordre ne s'aventurent plus qu'avec d'infinies réticences. Il n'y a pas que la nostalgie, décidément, pour n'être plus ce qu'elle était...