Quand les anglomanes persistent
et signent... à tour de bras !

< dimanche 12 février 2017 >
Chronique

Pester contre les mail, newsletter, selfie et autres anglicismes qui envahissent notre quotidien n'est certes pas une sinécure. Du moins ceux-là disent-ils leur nom et n'avancent-ils pas masqués...

Autrement sournoise se révèle en effet la partie immergée de l'iceberg, quand elle ne menacerait pas moins l'intégrité de ce Titanic que devient lentement mais sûrement la langue française. Celle-là s'en prend à notre syntaxe et, sans qu'on s'en rende toujours compte, la gangrène de l'intérieur. On la remarque beaucoup moins, évidemment, et elle ne fait pas souvent la une de nos journaux. Elle n'en est que plus redoutable, à l'image de ces cancers qui, longtemps silencieux, ont éparpillé façon puzzle leurs métastases avant même que l'on n'eût ressenti le moindre symptôme.

Un exemple, un seul, qui doit beaucoup à l'actualité sportive de cet hiver : cette manie que l'on a de « signer » un footballeur. C'est Wikipédia qui, dans la page consacrée à Angel Di Maria, rappelle le forcing (!) qu'a fait naguère le PSG « pour le signer » ; France Football qui explique que « signer Payet n'est pas un choix purement sportif » ; ou encore Le Figaro qui, parlant des dirigeants de l'OM, souligne que « leur volonté de signer Dimitri Payet est (...) bien connue ».

Sur le terrain d'un sport où les arbitres « sifflent les rencontres », les attaquants « explosent les défenses » et les clubs « jouent des adversaires », on ne devrait plus s'étonner. Il n'empêche que cette construction du verbe signer intrigue. Signer un chèque, un ouvrage, un contrat, d'accord ! Mais signer quelqu'un ? On se contentait encore il y a peu de le faire signer, de l'engager. Que s'est-il donc passé pour que, dans cette acception du moins, le signataire subisse une action que jusque-là, il exécutait ? Ne cherchez pas : c'est signé Albion !

Outre-Manche, en effet, to sign signifie « recruter ». Dès lors, la messe est dite. Vous ne voudriez pas que l'on se tienne à l'écart de la modernité ? Nos dictionnaires eux-mêmes n'osent se montrer bégueules : Larousse et Robert ont récemment ouvert leurs portes à signer un artiste (« le prendre sous contrat »). Et comme le football est un art...

On attend que l'Académie atteigne la lettre S de la 9e édition de son Dictionnaire pour connaître sa position. On... se signe !