« On a fêté ses un an »
ou « ses un ans » :
combien de bougies ?
Parus chez Fleurus, Le Livre surprise de mes 1 an (Élisabeth Schlossberg) et Une histoire pour mes 1 ans (Elen Lescoat et Claire Renaud). La valeur n'attend pas le nombre des années, les dilemmes orthographiques non plus.
Avant de pester contre cette grammaire qui a tôt fait de nous abandonner au milieu du gué, faute de prévoir les cas de conscience qui nous taraudent au quotidien, commençons par nous interroger sur le bien-fondé d'une telle formule. Accoler ainsi un singulier à un adjectif possessif pluriel, est-ce bien raisonnable ? La tournure fait florès sur la Toile, c'est entendu, et qui pourrait se vanter de n'y avoir jamais eu recours ? Pour autant, la logique parle-t-elle là toute pure ? Quelle mouche a pu piquer celui qui, le premier, s'est un jour mis en tête d'accoupler l'un et le multiple, au risque d'accoucher de pareille monstruosité ?
S'il semble malaisé de justifier, on peut tenter de comprendre. Dans une vie que le mauvais sort n'interrompt pas prématurément, les anniversaires se déclinent presque tous au pluriel. C'est la même chose, toutes proportions gardées, au cadran de la pendule et, dans le langage familier, on n'hésite pas davantage à préciser que l'on arrivera... « vers les une heure de l'après-midi ». Au grand dam des grammairiens, lesquels voient là leur côté cartésien soumis à rude épreuve, les singuliers midi et minuit subissent à l'occasion le même sort. Voilà qui confirme qu'en matière de syntaxe l'exception a toujours tort, et que la logique s'incline souvent devant la loi du nombre !
Il est également permis de voir derrière la formule incriminée un accord sylleptique, qui tienne moins compte de la lettre que de l'esprit. Certes, il n'y a là qu'un an, une heure, mais derrière celle-ci et celui-là, il y a beaucoup de minutes et de jours ! Bien des mères vous confieront même que la première année, entre biberons, changements de couche et nuits blanches, est d'assez loin celle qui leur a semblé la plus longue ! N'y aurait-il pas là de quoi expliquer — sinon intellectuellement, du moins viscéralement — le pluriel du possessif ?
Reste le problème initial du « s » à an. Mais là, des plus franchement, à moins de se réincarner en Anglo-Saxon (outre-Manche, on n'hésite pas à écrire zero defects), il en faudrait beaucoup à votre serviteur pour qu'il mît le pluriel après un !