Elle court, elle court,
la maladie de la résilience...

< dimanche 22 novembre 2015 >
Chronique

Le mot était la coqueluche des médias avant même que ne fussent perpétrés les attentats du 13 novembre. On ne sera pas outre mesure surpris qu'aujourd'hui il soit sur les lèvres de tout ce qui parle et écrit...

Résilience. Avec sidération, c'est probablement le vocable qui a le plus frappé dans les éditions spéciales dont nous ont abreuvés les chaînes d'information depuis ce vendredi noir. Mais si le sens du second se devine sans peine (l'adjectif sidéré, fût-il galvaudé par le langage courant, nous y aide), il n'en va pas forcément de même pour le premier, et là réside peut-être le secret de son succès : moins on le comprend, c'est bien connu, plus le mot fascine !

À l'origine, et comme souvent là aussi, le terme a prospéré sur le terreau scientifique : il s'applique, en mécanique et en physique, à la résistance d'un matériau au choc. C'est dans les trente dernières années seulement, et avec plusieurs longueurs de retard sur la recherche anglo-saxonne, qu'il s'est impatronisé en psychologie, pour désigner le refus de se laisser abattre, la faculté de surmonter les traumatismes de l'existence.

Au risque d'en interloquer plus d'un, ladite résilience est, pour l'étymologie, cousine germaine de notre verbe — autrement connu — résilier, puisque tous deux descendent du latin resilire, lequel signifiait littéralement « sauter en arrière ». Mais si, pour ce dernier, c'est surtout l'idée de reculade qui aura été retenue (résilier un contrat, c'est, on le sait, revenir sur une décision antérieure, se rétracter, se dédire), pour la résilience, c'est la capacité à rebondir, à se reconstruire, à repartir sur de nouvelles bases qui est mise en exergue.

On s'étonnera sans doute que l'homme aille chercher dans la matière de quoi nourrir son espoir d'un supplément d'âme, voire d'une résurrection ; que, dans ce déluge incantatoire de références aux valeurs humaines, à la liberté, à la fraternité, à la solidarité, c'est à l'inanimé que, de façon plus ou moins consciente, il se raccroche pour rêver à des jours meilleurs.

En même temps, ne serait-ce pas là un terrible aveu de faiblesse ? le signe que l'homme a finalement échoué dans sa tentative d'éclairer la création ? la preuve par neuf qu'il ne vaut pas mieux, au fond, que ce que, dans sa superbe, il prétendait dominer ?