Pourquoi diable qualifier de « blanche »
une nuit d'insomnie ?

< dimanche 4 octobre 2015 >
Chronique

Authentique trouvaille que cette « Nuit blanche » parisienne dont on vient de vivre la quatorzième édition... Mais comment expliquer qu'en français on trouve blanche une nuit durant laquelle on ne ferme pas l'œil ?

Si l'on en croit Georges Planelles, l'auteur des 1001 expressions préférées des Français (éd. de l'Opportun), l'image ne serait pas si répandue. On ne la retrouverait qu'en espagnol (pasar la noche en blanco), en italien (una notte in bianco) et dans certaines langues d'Europe centrale. Ne fait pas davantage l'unanimité l'origine de l'expression : que d'hypothèses, toutes plus pittoresques les unes que les autres !

La plus évidente : on dort mieux dans l'obscurité, quand il fait nuit... noire. Au contraire, la luminosité n'a jamais été la meilleure alliée du sommeil. Ce n'est pas la plus piquante des justifications, mais gageons que c'est, de loin, celle qui s'impose dans l'inconscient collectif.

Un peu plus subtile déjà, l'idée que la blancheur est souvent, dans notre langue, appelée à la rescousse pour traduire le partiel, l'inachevé, ce qui, pour reprendre la définition du Petit Robert, « n'a pas tous les effets habituels » : l'examen blanc compte pour du beurre, le mariage blanc ne se consomme pas, une voix blanche se fait à peine entendre, des vers blancs ne riment pas. Quant au tir à blanc, il ne risque pas d'endormir, lui non plus...

Carrément séduisante, cette fois, est la référence historique aux coutumes de chevalerie. La nuit qui précédait son adoubement, le chevalier se devait de la passer éveillé, et dans une tenue immaculée ! Tout y est, non ? Cette version ne convainc pourtant qu'à moitié Georges Planelles : comment expliquer, si elle était la bonne, que l'expression ait attendu la fin du XVIIIe siècle, et notamment une lettre de la marquise du Deffand, pour s'impatroniser dans les écrits ?

Plus respectueux de la chronologie lui semble le renvoi aux philosophes du même Siècle des lumières, dont beaucoup, Denis Diderot le premier, passaient le plus... clair de leur temps à Saint-Pétersbourg, à la cour de Catherine II : les nuits y étaient plus animées que noires, le soleil ne se couchant qu'à demi sous ces latitudes ! La vérité serait donc russe, quand les autres conjectures relèveraient plus ou moins de la salade. Cela dit, pour l'étymologiste, rien n'est jamais tout à fait blanc ni noir...