Raffut médiatique et raffut rugbystique :
écoutez donc la différence !

< dimanche 20 septembre 2015 >
Chronique

On n'a probablement pas fini d'entendre parler de la Coupe du monde de rugby, dont le coup d'envoi vient tout juste d'être donné. Prudence, toutefois ! C'est qu'en l'occurrence un raffut peut en cacher un autre...

Le sens usuel de raffut, on connaît : « tapage », « vacarme », disons « boucan » pour rester au même étage de l'immeuble linguistique. L'étymologie, c'est déjà plus compliqué : le verbe raffuter dont il procède aurait signifié, dans le patois du XVIIIe siècle, « rosser », ce qui ne se fait pas, d'ordinaire, dans le plus religieux des silences. Curieusement, ce raffuter-là dériverait du plus orthodoxe affûter, quand ce dernier voudrait dire l'inverse, à savoir « mettre en état (de fonctionner) ». Mais ce ne serait pas la première fois dans la langue que l'on glisse d'un sens à son contraire : « mettre en état », cela peut revenir, ironiquement, à « mettre dans un triste état » !

Au demeurant, ceux que ce tête-à-queue sémantique ne convaincrait pas pourront toujours se raccrocher, sinon aux branches, du moins au fût, lequel désigna le bâton qui sert à rosser. C'est que l'étymologiste sait faire flèche... de tout bois !

Cela dit, le raffut dont il sera question dans les prochaines semaines aura sans doute plus à voir avec le geste — autorisé — dont use le porteur du ballon pour repousser, de la main libre ouverte, l'armoire à glace qui menace de le plaquer...

La chose n'étonnera guère, il vous sera plus aisé de trouver cette acception dans le Petit Dictionnaire amoureux du rugby de Daniel Herrero (Pocket) que chez des académiciens qui, pour rester verts, le sont a priori moins que les gazons anglais. Il n'empêche qu'en font état Petit Larousse et Grand Robert. Sans accent circonflexe désormais, ce qui peut surprendre, le verbe correspondant raffûter en étant, lui, dûment coiffé. On est fondé à regretter cette disparition, car toute distinction graphique est bonne à prendre dès lors que l'on n'entend pas mélanger trèfle et chardon. Mais il est vrai qu'en rendant facultatifs les accents circonflexes sur les « i » et les « u » la nouvelle orthographe n'aura pas peu contribué à... transformer l'essai !

Il reste à souhaiter que nos Bleus soient suffisamment affûtés pour résister aux assauts des cadors de l'ovale. Sinon, c'est à un raffut autrement traditionnel que peut s'attendre Philippe Saint-André dans les jours à venir...