Orthographe : et si l'on veillait
à la qualité de l'environnement ?
L'histoire commence dans une charmante petite ville du Pas-de-Calais. Plein de prévenances pour l'allogène qui la traverse occasionnellement, un panneau indique la direction de la « collègiale » que, précisément, vous cherchiez. Vous appréciez l'intention, mais l'intention seulement.
Vous ne comprendrez jamais, en effet, que l'on puisse réaliser un panneau sans demander au dictionnaire si l'accent de collégiale regarde bien du même côté que celui de collège ; que, le mauvais coup perpétré, personne ne s'en avise ni ne s'en offusque ; que, surtout, ledit panneau soit exposé à la vue de tous alors que, selon toute vraisemblance, il est appelé à se fondre dans le décor pendant un demi-siècle ou plus.
On vous rétorquera probablement (car le diable est assisté de plus d'un avocat) qu'il n'y a pas mort d'homme, et c'est vrai : seuls des hurluberlus de votre espèce sont capables d'une embardée pour si peu, et le fait même que paraisse aujourd'hui cette chronique prouve qu'elle n'a point été fatale à son auteur. On vous dira encore que le péché est véniel, que vous devriez déjà vous réjouir qu'il y eût un accent quand, en la matière, la langue de Molière s'aligne de plus en plus sur celle de Shakespeare. Mais c'est égal : quel piètre signal de rigueur et de travail bien fait nous envoyons là à nos enfants ! Et que viendront à répondre ces derniers à leurs maîtres pour peu qu'à l'école on aille leur chercher noise pour de pareilles broutilles ?
Là encore, on vous objectera, et avec quelque apparence de raison, qu'il est peu probable qu'un tel détail ait troublé outre mesure une progéniture d'ordinaire moins prompte à scruter les panneaux environnants qu'à envoyer dans tous les azimuts des textos, lesquels s'enorgueilliraient souvent de ne comporter qu'une faute d'accent ! Mais qui peut le moins peut hélas le plus...
Ici, on vous met en garde contre « des virages dangeureux ». Là, on vous annonce une « circulation restrainte » pendant les Journées du patrimoine. Là encore, on promet aux handicapés un « accès direccte » au parc de stationnement. Plus loin, on attire votre attention sur l'« abscence de marquage au sol ». Difficile, aussi, d'échapper à ce gigantesque panneau « réservé à l'affichage d'opignons et aux association à but non lucratif ». Mais il faut être juste : celui qui précise que le parking privé du coin est « réserver aux sportifs et professeurs des écoles » n'est pas mal non plus.
Parfois, vu son énormité, on se surprend à se demander si la faute n'est pas intentionnelle et ne participe pas d'une louable volonté de dissiper la morosité ambiante. C'est cette pancarte, il est vrai confectionnée à la va-vite, qui incite les automobilistes, aussi longtemps que dureront les travaux, à « se mettre sur deux filles » : l'attentat à la pudeur n'est plus très loin ! Ou encore ce message de la SNCF vous informant que « le prochain train ne marquera pas la raie ». Vous me direz, tant qu'il ne vous fait pas une queue de poisson...
L'histoire se termine à l'entrée d'une charmante petite ville du Nord où, pour calmer les ardeurs de certains émules de Fangio, on a cru bon de mettre sur leur route le — classique — écriteau suivant : « Rien n'est plus précieux que la vie. Ralentissez. » Allez savoir pourquoi, j'ai dû m'y reprendre à deux fois. J'avais d'abord lu : « Rien n'est plus fragile que l'orthographe. Relisez. »