Plutôt que de compter les moutons,
regardons des chatons !

< dimanche 7 octobre 2012 >
Chronique

Une étude menée par des chercheurs de l'université d'Hiroshima fait actuellement sensation : n'y apprend-on pas que s'absorber dans la contemplation de chatons développe notablement la concentration ?

Des deux groupes d'étudiants appelés en effet à s'affronter dans une version japonaise de Docteur Maboul — ce jeu où il faut prélever les organes d'un patient à l'aide d'une pince, et ce sans toucher les bords métalliques des cavités qui les contiennent, faute de quoi le nez de l'opéré s'allume —, celui qui l'a emporté haut la main se serait vu projeter, au préalable, des photos de bébés chats. Et n'allez pas, gens de peu de foi, imaginer là une simple coïncidence... On vous explique doctement dans la foulée que c'est le sursaut de tendresse qu'ont suscité ces photos qui serait à l'origine du succès qui a suivi : les apprentis chirurgiens, émus par ces touchantes boules de poils, se seraient montrés au cours de l'épreuve plus appliqués, plus consciencieux, en un mot plus respectueux de la vie !

Mais si vous ne croyez pas celle-là, on peut mettre à profit cette mise à l'honneur des félidés pour vous en conter d'autres...

En attirant, par exemple, votre attention sur le fait que si le verbe chatoyer, l'adjectif chatoyant et le substantif chatoiement se passent d'accent circonflexe sur le « a », au contraire de ce que l'on croit trop souvent, c'est que, quand on n'en aurait plus guère conscience, ces trois-là doivent leur nom au chat : les reflets changeants qu'ils ont mission de décrire seraient, initialement, ceux de ses yeux sous l'effet de la lumière ! Encore faut-il savoir, évidemment, que chat lui-même n'en prend pas : n'ai-je pas vu, sur certains sites de la Toile, ce même accent circonflexe coiffer indûment nos infortunés chatons ? S'agirait-il de distinguer par là notre matou de gouttière du chat auquel s'adonnent de plus en plus les internautes et qui se pratique, pour mieux tromper l'ennemi, avec une... souris lui aussi ? Car force est d'avouer que le clavardage de nos cousins québécois, si astucieux que soit ce mot-valise qui réunit bavardage et clavier, peine à s'imposer sous nos latitudes... Ne parlons pas de la causette que l'on nous avait officiellement recommandée dès 1999, et qui faisait un tantinet... misérable !

Autre vérité bonne à dire, eu égard au contexte : si les chatons de poussière — ces « moutons » qui se nichent sous nos meubles — ont incontestablement partie liée avec notre digitigrade (dans notre région et en Belgique, ne les appelle-t-on pas plus couramment minous ?), il n'en va pas de même pour cet autre chaton dans lequel s'insère la pierre précieuse. Quand on aurait tôt fait de se représenter des griffes qui viendraient retenir la pierre en question, celui-là se rapprocherait davantage de la châsse et dériverait bien plus sûrement du francique kasto, « boîte, caisse ».

Quant à la botanique, et pour peu qu'on en croie le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, elle ne dédaigne pas de manger, elle, aux deux râteliers. L'inflorescence en épi souple que l'on trouve sur les amentifères, tels le saule et le peuplier, devrait son nom à une analogie d'aspect avec la queue du chat et rappellerait plus particulièrement la douceur de cette dernière. En revanche, l'enveloppe verte de la noisette renverrait, en tant que coquille, à l'autre chaton.

Mais il en va souvent ainsi de l'étymologie : une chatte n'y retrouverait pas ses petits !