Ils sont ritals...
mais ne le restent pas tous !

< dimanche 23 septembre 2012 >
Chronique

Pour avoir eu la tête loin des bonnets, Kate Middleton, à son corps nu défendant, a remis à l'honneur ces empêcheurs de bronzer en rond que sont les paparazzis. À moins qu'il ne faille écrire « paparazzi » ? Éternel problème que celui de ces mots ultramontains dont on ne sait trop, au pluriel, s'il convient de les intégrer ou de respecter leurs traditions. Que faire de graffiti, lazzi... et tutti quanti ?

Une bonne nouvelle pour commencer : dans le doute, désormais, mieux vaut ne plus s'abstenir. À l'exception notable — mais qui en use encore, au risque de passer pour pédant ? — des alti, concerti, scenarii, soli, soprani, auxquels, des plus sagement, notre langue a préféré les formes correspondantes en « -os », vous pouvez, sans craindre de vous voir vouer aux gémonies par un grammairien sourcilleux, recourir au « s » du pluriel français dans tous les cas de figure. Et si nos dictionnaires usuels sont aujourd'hui bonnes pâtes, ils ne le sont pas seulement pour les cannellonis, cappellettis, raviolis, spaghettis, tortellinis et autres gourmandises à déguster al dente : la francisation est également de rigueur pour les brocolis, gnocchis, mercantis, paninis et salamis !

Aux susdits, le Petit Larousse ajoute les graffitis, quand bien même son confrère et néanmoins ennemi le Petit Robert continuerait, pour sa part, à tolérer l'invariabilité. La corde n'est finalement tenue par cette dernière que pour trois mots plus rares : les concetti, traits d'esprit particulièrement raffinés ; les lapilli, projections volcaniques de petites dimensions ; et les putti, ces angelots qui représentent l'amour dans la peinture italienne. Mais, là aussi, Robert veille au grain et blanchit les éventuels contrevenants : concettis, lapillis et puttis ne sauraient vous être reprochés, pas plus que puttos d'ailleurs ! Rangez donc vos lazzi(s) — au choix, encore une fois — et sortez plutôt les confettis : la langue française n'est plus ce dragon que l'on vous décrivait jadis...

On irait presque jusqu'à en pincer pour les scampi(s), ces langoustines frites en beignets que, curieusement, Larousse voit plutôt invariables quand Robert leur accorde la marque du pluriel ! La concurrence a quelquefois du bon...

Mais revenons à nos paparazzis. Leur objectif impressionnât-il par sa taille, il n'est pas de faire exception à la règle : le pluriel français est là aussi préférable, ne serait-ce que pour qu'on ne le confonde pas avec le singulier, lequel s'est chez nous imposé aux dépens du « paparazzo » d'origine. On sait que c'était là le patronyme que Fellini avait donné à un personnage de sa Dolce Vita, photographe de son état. À en croire la légende — car il est des versions moins pittoresques —, c'est la femme du metteur en scène, l'inoubliable Giulietta Masina de La Strada, qui lui aurait soufflé ce nom, à mi-chemin entre les pappataci (moustiques) et les ragazzi (jeunes hommes). Si n'existait pas cette hypothèse qui fait de nos voleurs d'intimité des insectes importuns bourdonnant aux oreilles de leur proie, il est évident qu'il faudrait l'inventer !

Le seul que désolera cette variante orthographique du célèbre « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » est l'auteur de dictées, qui, du même coup, voit se tarir une source de pièges qui lui paraissait inépuisable... Dieu merci, il lui restera (du moins si les petits cochons de la nouvelle orthographe ne viennent pas la lui corrompre) celle que lui offre le singulier de bien des mots, et pas nécessairement italiens ceux-là : sait-on toujours distinguer le salami du salsifis, l'embrouillamini du salmigondis, voire... le verni du vernis ?