Élection présidentielle :
la chasse aux craques est ouverte !

< dimanche 5 février 2012 >
Chronique

À tout seigneur tout honneur, c'est Nicolas Sarkozy qui prétend, la main quasi sur le cœur, n'avoir jamais prononcé ce vilain mot de TVA sociale, alors qu'il l'a fait huit fois de suite dans un discours de juin 2007. Ou encore qui, tout à son envie d'embarrasser la gauche française, fait du socialiste allemand Gerhard Schröder le père de ladite mesure, quand c'est Angela Merkel qui l'a prise, peu après son arrivée au pouvoir.

En digne challengeur, c'est François Hollande qui, pour fustiger ceux qui ont « échoué parce qu'ils n'ont pas commencé par le rêve », se réclame du grand William et attribue à l'auteur de Roméo et Juliette un propos que revendiquera aussitôt, avant de se rétracter, un de ses lointains descendants, un certain... Nicholas, ça ne s'invente pas ! Nous parierions que, dans les rangs de la majorité, le dernier à faire des gorges chaudes de cet imbroglio shakespearien n'aura pas été le secrétaire d'État chargé du Commerce et de l'Artisanat, Frédéric Lefebvre, à qui l'on avait beaucoup reproché, l'an dernier, d'avoir confondu le Zadig de Voltaire avec une marque de prêt-à-porter.

C'est aussi — et peut-être surtout — Hervé Morin qui, porté par un enthousiasme qu'au dire des derniers sondages partagerait un électeur parmi cent (et encore, à condition d'arrondir !), croit se souvenir d'avoir assisté au débarquement allié sur les plages de Normandie, même si, âgé de cinquante et un ans aux prunes, il est né le... 17 août 1961. Y a-t-il mieux placé, pourtant, qu'un natif de Pont-Audemer pour savoir qu'après l'Eure, ce n'est plus l'Eure ?

Il n'y a aucun doute possible : la campagne électorale est bel et bien lancée, et avec elle son habituel cortège de « craques ». Le moment ou jamais de faire un sort à ce mot trop fréquemment malmené, dans son genre comme dans son orthographe. C'est plus souvent qu'à son tour, en effet, qu'il est masculinisé par l'usager quand nos dictionnaires le font féminin. Serait-ce que l'on soupçonnât plus volontiers les hommes, grands hâbleurs devant l'Éternel, d'en proférer ? L'hypothèse ne semblera farfelue qu'à qui oublie que le masculin soldes doit d'être féminin dans presque toutes les bouches au fait que nul n'arrive à la cheville de ces dames dès qu'il s'agit de remuer les cintres et de fouiller dans les bacs.

Quant à l'orthographe, qui ne comprendrait qu'en ces temps troublés où nos cracks de la politique songent plus à faire crac-crac au Sofitel qu'à remédier au krach qui s'abat sur d'autres Bourses, il y ait de quoi hésiter ?

Reste l'étymologie, et force est d'avouer qu'elle ne coule pas davantage de source ! Beaucoup renvoient à une acception ancienne du verbe craquer, lequel, au XVIIe siècle, aurait signifié « mentir », mais cela ne fait que déplacer le problème. D'autres, plus précis, expliquent la chose au prix d'un détour par le vocabulaire de la fauconnerie : le craquement y figurant le bruit sec que fait la grue en ouvrant et en fermant le bec, le verbe, par métaphore, se serait appliqué à ceux dont la bouche n'est mise en action que pour émettre des sons sans valeur. D'autres encore rappellent que sévit jadis, notamment sous la plume du dramaturge et académicien Collin d'Harleville (1755-1806), un certain M. de Crac, gentilhomme gascon, maître ès boniments. Est-il à l'origine du nom commun ou, au contraire, est-ce de celui-ci qu'il tire son patronyme ? Les avis divergent, et nous nous garderons bien de trancher.

De peur de vous raconter, à notre tour, des... carabistouilles !