Notre lexique ?
Le carnaval des animaux !

< dimanche 15 novembre 2009 >
Chronique

Alors, vaccin ou pas ? Les uns sont prêts à prendre le taureau par les cornes, les autres traînent les sabots et ruminent leurs doutes. C'est que des voix plus ou moins autorisées en disent pis que pendre et, d'une traite, en énumèrent les risques. La question, il est vrai, ne peut être que vachement embarrassante : pour l'étymologie, faut-il le rappeler, ledit vaccin a toujours eu partie liée avec notre bovidé...

On n'y songe plus guère, en effet, mais ce vaccin doit tout à la vaccine, maladie de la vache (en latin, vacca) que l'on inocula à l'homme pour le protéger contre la redoutée variole. C'est par extension que le mot s'appliquera ensuite à toute substance préparée à partir de microbes, de virus ou de parasites et propre à immuniser contre un germe. Allez vous étonner qu'aujourd'hui encore d'aucuns voient dans les vaccinations obligatoires autant de vacheries quand d'autres, partisans déclarés du progrès, boivent en les évoquant du petit-lait !

Au reste, ce n'est là qu'un exemple de la place que tiennent les animaux au sein de notre lexique. Nul besoin, en l'espèce, de société protectrice, nos amies les bêtes sont partout chez elles ! Vous perdez vos cheveux ? Consolez-vous, c'est arrivé à des animaux très bien, au rusé renard le premier. C'est lui qui, par le biais de son nom grec (alôpêx), est à l'origine de notre alopécie. Votre conjoint vous trompe ? Savoir que le cocu n'est autre qu'un coucou vous aidera peut-être : la femelle dudit oiseau est en effet réputée pondre ses œufs dans le nid des autres ! On vous reproche souvent d'être comme l'éléphant dans un magasin de porcelaine ? Vous vous en voudrez moins quand on vous aura appris que la si délicate porcelaine descend de cette vieille cochonne qu'est la truie : le coquillage qui lui a donné son nom avait été baptisé porcellana par les Italiens parce que sa fente dentelée leur rappelait la vulve de la femelle du porc. Où la poésie ne va-t-elle pas se nicher !

On poursuit ? Vous l'aurez voulu ! Vous n'aimez rien tant que de jouer les Schwarzenegger, dans l'espoir que vos tablettes de chocolat feront fondre la gent féminine ? La montagne que vous vous flattez d'être accouchera d'une souris quand elle saura que le muscle n'est, en latin (musculus), que le « petit rat » qui donne l'impression de se promener sous la peau des adeptes de la gonflette. Vous êtes fier de votre pedigree ? Cela vous passera quand vous n'ignorerez plus que l'intéressé a beaucoup à voir, lui aussi, avec un oiseau, et pas le plus coté puisqu'il s'agit de la grue ! L'arbre généalogique de base, qui relie un individu à ses père et mère, n'a-t-il pas la forme d'un Y, autrement dit d'un « pied de grue » ? Mais vous préférez peut-être parader dans les cocktails ? Pas sûr que vous continuiez, une fois établi que les cocktailed-horses étaient des chevaux bâtards auxquels, pour les distinguer de leurs congénères de race, on avait coupé l'appendice caudal !

Et l'on pourrait donner beaucoup d'autres exemples, le journal entier ne suffisant pas à dresser un inventaire exhaustif. Il faudrait encore souligner ce que le canapé doit aux anophèles (le conopeum latin était un rideau de lit qui servait de moustiquaire) ; faire de nos poulets de fines mouches (le flic est un pur produit de la Fliege allemande) ; voir dans toute ovation un réflexe moutonnier (on sacrifiait à Rome un bélier, ovis, pour fêter le général victorieux) ; hurler avec les loups qui peuplent nos lycées (le premier, celui d'Aristote, se situant, à Athènes, dans le « quartier du Loup ») ; rappeler que nos pavillons, témoins de nos penchants cocardiers, furent d'abord de pacifiques papillons, papiliones, du nom que les Romains donnaient aux toiles de leurs tentes flottant au vent.

Mais brisons là avant que l'on nous reproche de chercher partout la petite bête...