Contre la langue de bois,
un seul remède : la langue française !
Pas de chance pour notre langue, laquelle voit la semaine qui lui est traditionnellement consacrée par le ministère de la Culture coïncider cette année, en France du moins, avec des élections municipales plus volontiers abonnées à la langue de bois...
Non que les dix mots proposés pour la circonstance à l'usager ne puissent trouver à s'employer dans cette conjoncture bien particulière ! Peut-on, au contraire, rêver plus belle illustration du tact que cette méritoire propension des battus de la majorité à invoquer pudiquement un « contexte national » pour ne pas rendre nommément responsable de leur travers le mari de Carla Bruni ? de la palabre que ces analyses, tellement convenues, tellement prévisibles, que les ténors des partis viennent livrer sur les plateaux de télévision dès la clôture du scrutin ? du verbe apprivoiser que ces appels, du pied gauche comme du pied droit, pour s'attirer les bonnes grâces et, plus encore, les voix du MoDem ? Il est en revanche à craindre que le sort de la langue française n'intéresse que médiocrement des médias friands, par les temps qui courent, de sensations autrement fortes. Que les vedettes de la politique aient des mots, voilà qui ne saurait nuire à l'audience. Mais que des mots aient pour une fois la vedette, quel intérêt, on vous le demande ? Qu'il nous soit permis ici de le déplorer car cette opération, qui en est à sa treizième édition et que, de notre modeste plume, nous soutenons depuis l'origine, est pour chacun de nous une occasion unique — au sens propre comme au figuré, hélas — de partir à la rencontre de sa langue maternelle. De voir enfin en elle autre chose qu'un Kleenex de la communication. À l'heure où les plus hauts représentants de l'État — mais que sont nos tribuns devenus ? — la piétinent sans vergogne, par désinvolture autant que par ignorance ; à l'heure où notre ministre de l'Économie, des Finances et de l'Emploi, longtemps nourrie au lait de Wall Street, use plus spontanément, pour traduire sa mâle pensée, de vocables anglo-saxons que de français ; à l'heure où, sous la houlette de sa pasionaria Laurence Parisot, le MEDEF (Mouvement d'Éradication DÉlibérée du Français ?) se dote d'un nouveau slogan qui fleure bon le terroir et la France profonde — « Benchmarker, c'est la santé ! » —, n'est-il pas vital que s'impatronisent, si insuffisantes qu'elles soient, quelque confidentiel que reste leur impact, des échappées culturelles comme celle-ci ? Brève, trop brève rencontre sans doute que ces dix jours (du 14 au 24 mars) prélevés sur une année d'indifférence. N'est-ce pas pourtant ce qui fait le prix de l'oasis dans le sein du désert ?