Du parlement à la parlote,
une dérive inéluctable ?

< dimanche 10 juin 2007 >
Chronique

 Ils sont encore plusieurs milliers, ce matin, à rêver de devenir députés. L'engouement participe d'un certain masochisme car, si elle est respectée, la fonction est aussi souvent moquée : antiparlementarisme gaulois oblige ! Aux yeux des Français, en effet, les locataires du Palais-Bourbon passent volontiers pour de beaux parleurs, qui pérorent plus qu'ils n'agissent... Si la chose devait être vraie, ce qu'à Dieu ne plaise, les intéressés auraient beau jeu d'invoquer l'étymologie pour se trouver, séance tenante, quelques circonstances atténuantes. Quand plus personne n'en aurait réellement conscience, le mot parlement est issu du verbe parler : de même que le louvoiement est le fait de louvoyer, le parlement n'était rien d'autre, initialement, que l'action de parler ! Avant de s'appliquer à une assemblée délibérante, à une cour de justice souveraine, il a d'abord signifié, au onzième siècle, « discours, conversation ». Alain Rey fait même de la palabre, laquelle s'est teintée, depuis lors, d'une nuance nettement péjorative, sa cousine germaine — ou plutôt espagnole ! Cette dernière ne s'est-elle pas employée, elle aussi, pour un échange de propos avant de désigner, en Afrique, une assemblée coutumière qui se tenait le plus souvent sous un arbre et au sein de laquelle on débattait des sujets concernant la communauté ? Notre parlement aura connu une évolution comparable, pour une raison aisée à imaginer : les conseils qui portaient ce nom sous l'Ancien Régime bornaient leur ambition à se faire entendre, la parole étant alors largement confisquée par le monarque de droit divin. L'ironie du sort aura donc fait que le parlement, lieu trop rare où se jouait la liberté d'expression, est devenu, sous nos démocraties qui sont censées la garantir, le théâtre de la... parlote ! Obstruction, réponses dilatoires, dépôt d'amendements fantaisistes en sont des exemples ô combien connus et récurrents. Cela dit, l'étymologie peut beaucoup, là encore, pour nos représentants du peuple. En particulier leur rappeler que le verbe latin deputare, qui est à l'origine de leur nom, a d'abord signifié « tailler un arbre, l'émonder ». Voilà qui fera plaisir à ceux des députés — la quasi-totalité, n'en doutons pas — qui, soucieux d'honorer la confiance que les électeurs leur ont témoignée, se cassent le tronc pour les satisfaire. Mais voilà qui devrait les inciter aussi, et les autres avec eux, à... élaguer quelquefois leurs exposés !