Après la rencontre Arsenal-Manchester United

La soupe,
nouvelle arme de destruction massive ?

< mardi 2 novembre 2004 >
Chronique

Dans le rôle du gros plein de soupe, sir Alex Ferguson, « coach » mythique de Manchester United ; dans celui de la soupe au lait, le « Frenchy » Arsène Wenger, non moins charismatique entraîneur d'Arsenal. Les tabloïds d'outre-Manche ne se sont pas privés d'en remettre une louche après les incidents qui ont émaillé le choc entre les deux poids lourds du football britannique, il y a quelque dix jours. Furieux d'avoir ramassé une veste — qui plus est, la première depuis quarante-neuf journées — un Gunner non identifié (pour les profanes, Gunners est le sobriquet des joueurs d'Arsenal) se serait vengé sur celle de l'entraîneur mancunien (toujours pour ceux qui ne lisent pas La Voix des Sports, mancunien est une création journalistique subtilement dérivée de Manc(hester) Uni(ted) mais bon, c'est la dernière fois qu'on vous aide, hein !). Or donc, l'infortuné sir Alex, alors qu'il se rendait comme de juste à la « conférence de presse d'après-match », s'est malencontreusement trouvé sur le chemin d'un jet de potage instantané qui lui a vilainement maculé le costard. Shocking, d'autant qu'au royaume de Sa Majesté la victime est ce qu'il est convenu d'appeler... une grosse légume ! Pour anecdotique qu'il paraisse, le fait ne restera pas sans conséquence sur notre langue : il y a en effet gros à parier que le Petit Robert, attentif comme il sait l'être à la plus petite évolution de nos habitudes langagières, recensera dans sa prochaine édition, à côté d'un « entarter » devenu subitement ringard, le verbe « empotager ». Il n'est pas davantage impossible que le lexicographe trouve là l'occasion de réactualiser l'expression « trempé comme une soupe », laquelle n'est plus guère comprise de nos jours et pour cause : soupe désignait à l'origine non pas le breuvage, mais la tranche de pain que l'on y plongeait... ou que l'on arrosait de liquide chaud, bouillon, lait ou vin. Ce n'est qu'au XIVe siècle que le nom de soupe est passé, à la faveur d'une de ces métonymies dont le français est friand, du solide au liquide ! Aussi bien il ne manque pas d'entraîneurs, en France, qui accepteraient de troquer leur livrée, même immaculée, contre celle de Ferguson : « Coach Vahid », pour n'évoquer que lui, qui rêve de voir ses joueurs mouiller un jour le maillot, de soupe ou d'autre chose. Las ! si le PSG est bien dans le potage, le bol, pour l'heure, n'est toujours pas au rendez-vous...