Le grand air du dithyrambe

Reviens, Juppé-pé, reviens...
parce que la France, elle a besoin de toi !

< mardi 10 février 2004 >
Chronique

On nous pardonnera — du moins nous l'espérons — ce titre taquin, que seuls seront à même d'apprécier ceux qui se souviennent de la chanson hier dédiée à JPP (1) par les Guignols de l'info. Mais nous aimerions, à notre tour, dire un grand merci à Alain Juppé. Non point tant pour ses « exceptionnelles qualités d'homme d'État » que pour le fier service que vient de rendre l'agrégé de lettres classiques à la cause de l'étymologie. À son corps défendant, peut-être : il n'est pas sûr que l'infortuné, parti l'autre samedi revoir sa Normandie, ait toujours vu d'un bon œil ce débarquement d'alliés de tout poil, qu'un gaulliste bon teint sait potentiellement encombrants. Pas sûr non plus — ah ! ces portables ! — que s'être vu servir du Président à tous les repas ait rempli d'aise celui qui se proposait, le temps d'un week-end, de méditer sur les fromages de la République... Mais force est d'avouer qu'Alain Juppé aura beaucoup fait pour donner un contenu à ces mots extraterrestres qui peuplent depuis toujours les scénarios de Pivot, et que l'on n'apprenait jusqu'ici que pour y placer comme il faut h et y : nous avons nommé dithyrambique et thuriféraire. Profitons donc de l'aubaine pour rappeler ici que le dithyrambe était à l'origine un poème lyrique à la louange du dieu Dionysos. C'est dire, rapporté à l'échelle des simples mortels, ce qu'il traduit d'emphase et d'exagération. S'il n'était pas interdit de vider son dictionnaire de synonymes pour témoigner la confiance qu'on porte à l'intéressé et qu'il mérite sans doute, était-il indispensable de les employer tous dans une même phrase, au risque de verser dans la redondance ? « Intègre, probe, honnête » (dixit Josselin de Rohan, président du groupe UMP au Sénat), voilà qui décoiffe, quand bien même le maire de Bordeaux n'aurait plus grand-chose à craindre en la matière. De même, quand Jean Tiberi reconnaît à son compagnon une « intégrité totale », devons-nous comprendre qu'en dépit de l'étymologie (integer signifiant déjà, en latin, « entier ») l'on peut être... partiellement intègre ? Il est vrai que tout cela émane de thuriféraires, autrement dit de « ceux qui, autrefois, portaient les encensoirs ». Et Alain Juppé, qui a entendu Nicolas Sarkozy lui adresser un « message d'amitié et de solidarité », est homme trop cultivé pour ignorer que ledit encens s'agite de préférence autour des cercueils...

(1) Jean-Pierre Papin, mais là, franchement, vous abusez...