Quand la géométrie devient « spatiale »...

On a envie de tout laisser en plan !

< mardi 1er juillet 2003 >
Chronique

Loin de nous, il va sans dire, l'intention de nous prononcer sur la réelle difficulté de cette épreuve de mathématiques du baccalauréat S, laquelle en aurait bouché une surface aux candidats au point que d'aucuns se seraient dits tentés de prendre la tangente ! Plus loin encore celle d'ironiser sur la notation à... géométrie variable qui, sous prétexte d'arrondir les angles avec des parents d'élèves rendus chatouilleux par les grèves, risque fort, en dépit des dénégations et des consignes expresses du ministre, de présider à la correction des copies : dès lors que décentralisation et autonomie sont appelées à devenir les nouveaux credo de l'Éducation nationale, sied-il vraiment de s'offusquer à l'idée que les uns puissent être notés sur 20,75 quand d'autres le sont sur 34 ? Tout au plus vous inviterons-nous, car là se bornent nos attributions, à prendre conscience, dans ce cas de figure comme dans beaucoup d'autres, du pouvoir insoupçonné des mots. Peut-on jurer en effet que l'émoi eût été aussi vif si, pour le coup, les médias s'étaient contentés d'évoquer cette bonne vieille « géométrie dans l'espace » à laquelle, c'est entendu, l'immense majorité d'entre nous n'a jamais compris que couic mais qui n'en fait pas moins partie, avec le nombre pi et les identités remarquables, de nos meubles scolaires ? Au lieu de cela, cette « géométrie spatiale » dont on s'est gargarisé jusqu'à plus soif ne pouvait que dramatiser l'incident : n'accréditait-elle pas sournoisement l'idée que ladite épreuve dégringolait d'une autre galaxie et qu'à moins d'être un extraterrestre, il ne fallait point trop espérer triompher de ses embûches ? Une telle erreur de communication, en ces temps pourtant voués au « politiquement correct », ne laisse pas d'étonner. Comme nous a toujours étonné, pourquoi ne pas l'avouer ici, que dans un secteur qui se veut et se proclame hospitalier l'on ait un jour cru bon d'agréger la débonnaire « salle d'opération » à ce sinistre « bloc opératoire » qui, aux moins imaginatifs, rappelle immanquablement géhenne, gégène et expérimentations nazies... Les mots, on ne le répétera jamais assez, ne sont pas innocents, interchangeables encore moins. Gardons-nous donc de leur laisser... le moindre espace !