Gifle ? Taloche ? Torgnole ?

En tout cas, un coup médiatique !

< mardi 23 avril 2002 >
Chronique

Tout a été dit sur le « geste spontané » du candidat Bayrou. Tout, sauf peut-être l'essentiel. D'abord il n'est pas certain que l'intéressé, du temps où il était ministre de l'Éducation nationale, eût cautionné cette « marque naturelle d'autorité » chez ses professeurs ! Ensuite il ne saurait s'agir, stricto sensu, d'une gifle : issue du francique kifel, « mâchoire », celle-là a primitivement désigné la joue... et l'on sait qu'un digne représentant de la démocratie chrétienne est toujours plus prompt à la tendre qu'à la frapper ! Mais de quel terme user, dès lors que notre lexique nous plonge dans l'embarras du choix ? Si l'on veut souligner le bruit qu'a fait le geste en question dans les médias, les onomatopéiques baffe, claque et tape sont, à n'en pas douter, les vocables les plus appropriés. Le littéraire et obsolète soufflet, aussi, censé traduire le déplacement d'air produit par le coup... Veut-on plutôt insinuer que ce sain réflexe, en termes d'image, a porté ses fruits ? C'est sur taloche que l'on misera, qui a pour origine le verbe taler. Pour peu qu'il ait contribué à retourner l'opinion, jusque-là assez tiède envers le Béarnais, c'est même torgnole qui s'imposera : avant de subir la probable influence de trogne, le mot ne s'est-il pas d'abord écrit tourniole pour figurer le mouvement tournant qu'effectue la tête qui la reçoit ? Calotte n'aurait pas été mal non plus, puisque celui qui a fini quatrième ne s'est jamais caché de vouloir... coiffer les favoris ! Cela dit, peut-être François Bayrou entendait-il seulement démontrer par là qu'il était un bûcheur ? Va alors pour beigne, qui s'est appliqué, dans un premier temps, à la souche d'arbre. Peut-être encore entrait-il dans ses intentions de faire une fleur aux partisans du « tout-sécuritaire », auquel cas c'est l'argotique giroflée qui tient évidemment la corde. Et si par extraordinaire, bien loin de ces calculs mesquins, il ne fallait voir là qu'un mouvement d'agacement à l'égard de ces mufles qui ont refusé de débattre avec l'homme de la relève avant le premier tour, c'est sans conteste à mornifle que l'on s'en remettrait : ce dernier ne renvoie-t-il pas, étymologiquement parlant, à un coup porté sur le museau ? Quoi qu'il en soit, et à quelque terme que l'on recoure, la face de la campagne n'en aura pas été changée. Dimanche soir, c'est une autre gifle qui aura monopolisé les attentions. Et si quatorze candidats ont bien pris leurs cliques et leurs claques, ils ne sont plus que deux à rêver encore de... mandale présidentielle. Une preuve de plus que la politique, et ce n'est pas Lionel Jospin qui nous contredira sur ce point, c'est tout sauf de la tarte...