La véritable leçon du bretzel

Mâchons tout,
à commencer par nos mots !

< mardi 29 janvier 2002 >
Chronique

Cette fois, c'est sûr : on est toujours puni par où l'on a péché. A-t-on assez accusé le géant américain de jouer les gendarmes du monde et de mettre son grain de sel partout ? Le président Deubeuliou, en ne faisant qu'une bushée de son bretzel, est allé le déposer, lui, au fin fond de son gosier, ce qui lui a valu évanouissement et peu seyante ecchymose à la pommette gauche. Où qu'il se terre, c'est Ben Laden qui a dû en faire une tête, en apprenant la nouvelle. Quoi ? Là où avion et kamikazes surentraînés ont échoué, un malheureux gâteau sec a envoyé sa bête noire au tapis ? Voilà ce qu'il en coûte, tout milliardaire que l'on est, de s'embarquer dans le djihad sans biscuit... Et il n'est pas même certain que la morale de cette fable, dont La Fontaine en personne n'eût osé rêver, suffise à consoler le terroriste. C'est maman Bush qui, à en croire des journalistes d'outre-Atlantique qui ont consacré à cet événement planétaire de nombreux papiers plus ou moins mâchés, l'aurait aussitôt tirée : il faut toujours bien mastiquer... Que n'en faisons-nous autant, soit dit en passant, pour chaque mot que nous prononçons ? Qu'a-t-on lu et entendu, par exemple, à propos de cette infortunée « mamie » sauvagement agressée, à Avignon, par deux jeunes gens dont un mineur ? Qu'à l'origine, il s'agissait sans doute d'un « simple cambriolage ». Faute vénielle, donc, et pour tout dire compréhensible à cet âge que chacun sait difficile. Gageons pourtant que l'adjectif n'aura pas fait sourire ceux qui, victimes de l'un de ces « simples » cambriolages, ont éprouvé dans leur chair ce que cette violation de l'intimité pouvait provoquer de ravages. S'il faut décidément mettre en œuvre ce que nos politiques, avec de plus en plus d'insistance, nomment la « tolérance zéro », il serait sans doute bon de commencer par surveiller notre langage, et d'en bannir tout ce qui pourrait conduire à une banalisation de fait de la « petite » délinquance... En veut-on une preuve supplémentaire ? D'autres n'ont pas hésité à parler, au sujet de cette même affaire, de « tentative de cambriolage qui aurait mal tourné ». Une « simple » question aux auteurs de cette formule : à quoi reconnaît-on le cambriolage qui « tourne bien » ? Peut-être au fait qu'il est couronné de succès ? Voilà qui serait tout aussi dur à avaler qu'un bretzel !