Après le cafouillage en Floride...

L'Amérique dans un drôle d'État !

< mardi 14 novembre 2000 >
Chronique

Le combat qu'au nom de la survie de la langue française nous menons régulièrement dans ces colonnes contre l'américanisation galopante ne doit point nous aveugler : un pays qui s'évertue à nous distraire de la tragédie de l'E.S.B. ne peut être foncièrement mauvais. Car qui ne verrait que cette formidable chienlit, digne d'une république bananière beaucoup plus que de la première démocratie du monde, a été délibérément orchestrée par les intéressés pour nous consoler de nos déboires et nous démontrer que l'âne et l'éléphant d'outre-Atlantique ne se portent guère mieux que notre vache nationale ? Des médias qui annoncent tout et n'importe quoi pour se rétracter dans l'heure qui suit... Un candidat qui congratule son adversaire pour faire la fine Bush dix minutes plus tard... Des bulletins limpides comme les eaux du Cotentin par naufrage de chimiquier... Un mode de scrutin qui risque de couronner un candidat battu de quelque deux cent mille voix... Si le scénario n'avait pas été écrit pour les raisons humanitaires que nous évoquions plus haut, les États-Unis, toujours prompts à donner des cours de démocratie au monde, auraient beaucoup fait pour prouver, s'il en était encore besoin, que le ridicule ne tue plus. Mais laissons là cette leçon de modestie pour une autre, plus appropriée à notre statut. L'occasion est belle, en effet, de souligner que la majuscule à État est de rigueur lorsque le mot, quelques petitesses électorales qu'il suggère ici, désigne quelque chose comme la Floride : chef d'État, raison d'État, etc. C'est même là l'un des rares exemples « laïques » de notre lexique. Les autres ont souvent une connotation religieuse, à l'instar des couples église (monument) / Église (autorité ecclésiastique), avé (grain du chapelet) / Ave (prière). Dans ces cas, la majuscule est... capitale pour le sens. Elle l'est aussi, faut-il le rappeler, pour distinguer l'Américain (l'électeur) de l'américain tel qu'on le parle de plus en plus sur les chaînes françaises. N'est-ce pas, Stéphane Bern, récent auteur d'un joli « coming next » sur le plateau de Célébrités pour annoncer tout bonnement... ce qui allait suivre ?