LE FIN MOT
Là sont les questions !
Timbrés de l'orthographe n° 8
novembre 2014
Histoire de surfer, sans doute, sur le succès de son affriolant Dictionnaire, Laurent Baffie vient de publier un ouvrage intitulé 500 questions que personne ne se pose. Il ne me déplairait pas, quant à moi, d'en consacrer un à la langue, et qui aurait pour titre 500 questions que tout le monde se pose, mais auxquelles on n'a jamais vraiment répondu. Soit que les ouvrages censés faire autorité en la matière les éludent, sur le mode trop connu du « Courage, fuyons ! ». Soit que les solutions proposées se contredisent sans vergogne, au point d'en devenir inutilisables. Ou encore que, miraculeusement, l'unanimité se soit faite, mais qu'elle paraisse impossible à justifier.
Un échantillon, sans ordre aucun ni, évidemment, prétention à l'exhaustivité ? Allons-y ! Convient-il de prévoir un « fond de caisse » ou un « fonds de caisse » ? Le trait d'union s'impose-t-il pour « rouge orangé » ? Vaut-il mieux écrire « Ah ça ! » ou « Ah çà ! » ? L'« arbrisseau » est-il plus petit ou plus grand que l'« arbuste » ? Est-on fondé à user d'un infinitif après la locution « à défaut de » ? Quel est le pluriel de « retraite(-)chapeau » ? « Voire même » constitue-t-il, oui ou non, un pléonasme ? Y a-t-il vraiment une différence entre l'« anthropopithèque » et le « pithécanthrope » ? L'Académie Goncourt mérite-t-elle sa majuscule ? Faut-il écrire « ex aequo » ou « ex æquo » ? Le RIP est-il un « relevé d'identité postal » ou « postale » ? Y a-t-il lieu de distinguer entre « règlement de compte » et « règlement de comptes » ? En abrégé, est-il préférable d'écrire « Mme » ou « Mme » ? Zlatan Ibrahimovic et Thiago Silva étaient-ils « forfait » ou « forfaits » contre Barcelone ? Sied-il, pour aplanir les différends, de s'en remettre à un « coordonnateur » plutôt qu'à un « coordinateur » ? Une moquette belge est-elle un « tapis plein » ou un « tapis plain » ? À tout prendre, vaut-il mieux tomber dans un « coma vigil » que dans un coma « vigile » ? Le « blanc de blanc » de Robert est-il moins gouleyant que le « blanc de blancs » que l'on vous sert chez Larousse ? Nous pardonnera-t-on plus volontiers d'avoir agi « en traître » qu'« en traîtres » ? Est-il vital de préciser si l'on a affaire à « un » ou à « une androgyne », à « un » ou à « une hermaphrodite » ? Pourquoi, au chapitre des couleurs, un trait d'union à « feuille-morte » et pas à « fraise écrasée » ? Peut-on résider en Belgique et être d'« outre-Quiévrain » ? La « der des der » est-elle plus crédible que la « der des ders » ? Boire « en suisse » est-il moins répréhensible qu'« en Suisse » ? Faut-il s'extasier sur les « deux oscars » d'une actrice plutôt que sur ses « deux Oscar » ? Est-on plus enclin à louer des « chambres d'hôte » ou des « chambres d'hôtes » ? Pour quelle inavouable raison les « Peaux-Rouges » ont-ils droit au trait d'union et à deux majuscules quand les « Visages pâles », eux, font doublement tintin ? Une femme politique compromise dans une affaire louche en sortira-t-elle « blanc » ou « blanche comme neige » ? Dira-t-on dans la foulée que le marigot « a brui » ou « a bruit » du scandale ? Pourquoi, aux États-Unis, la rivière de « la Delaware » a-t-elle donné son nom à l'État « du Delaware » alors qu'au Canada « Saskatchewan » se veut du féminin dans les deux cas ?
Pas sûr que ces questions-là, tout le monde me remercie de les avoir posées !
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