Champion des champions d’orthographe
La Voix du Nord (Hazebrouck)
14 avril 1992
Premier vainqueur de la dictée de Pivot, en 1985, vainqueur des 260 candidats réunis pour la superfinale à New York, l’emportant sur les champions des années précédentes, Bruno Dewaele ferme la boucle... et avec quel brio !
« Je crois que le supercrack de tous les supercracks, c’est M. Bruno Dewaele, parce que zéro faute à la dictée mais aussi zéro faute à tous les tests, c’est formidable. » C’est en ces termes que Bernard Pivot rendait, samedi soir, un hommage grand format à notre professeur de français d’Hazebrouck.
Ces tests qui servirent à départager les ex æquo, Bruno Dewaele les prévoyait particulièrement coriaces. « Je pense que la dictée sera un peu plus facile que celle de 91, pour ne pas humilier les candidats non francophones, disait-il dans l’interview qu’il nous accordait il y a quelques semaines. Mais les tests, déjà très ardus habituellement, devraient être plus difficiles encore. »
Coucher avec son dictionnaire
Il attendait, comme beaucoup, une dictée sur le thème de l’ONU. Pivot tenta de le piéger sur la nature et les Jeux olympiques d’Albertville.
À lui donc les honneurs des sommets, les honneurs olympiens. Il les mérite d’autant plus qu’il n’a pas joué les vedettes, vous savez, celles qui vous disent d’un faux air nonchalant : « Et pourtant je n’ai pas eu beaucoup de temps pour parfaire ma préparation. »
« Je n’ai pas ouvert d’autres livres que des dictionnaires depuis un an, et j’essaie ainsi de combler le handicap d’un candidat hors concours depuis 1985. Je me couche avec mes dictionnaires », nous confiait-il dans la même interview. Alors que d’aucuns, samedi soir, sous l’œil de la caméra indiscrète semblaient « hagards et l’esprit vide... et dévissaient » de l’Olympe, lui « a gardé l’esprit libre... et devisait » (au fond l’orthographe, en plus d’un jeu pour amateurs avertis, ça sert même à être compris de celui qui nous lit !). Il devisait donc sûrement avec lui-même et pouvait se dire : « Qu’elles soient, comme dans la dictée, fauves, argent, amarante, rouille, écarlates ou bleu violacé — sans trait d’union, s’il vous plaît —, les couleurs ne seront jamais des coups bas pour moi, qui les connais si bien. » Ne nous avait-il pas, en effet, mis en garde, au cours de son interview presque divinatoire, contre le gris bleuté sans trait d’union et le jaune-orangé avec trait d’union ?
Il n’y a que sa victoire qu’il n’avait pas envisagée. Ses élèves nous l’ont même décrit un peu pessimiste. Mais le plaisir n’est-il pas plus grand d’être au sommet de la vague quand on a, plus par philosophie que par réalisme, imaginé rester au creux ?