ON EN PARLE

Faites vos Jeux

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Numéro 533
septembre 2024

Vous aimez l’orthographe ? Vous avez toutes les chances d’adorer l’orthotypographie, son double infernal. Plus arbitraire, plus insaisissable encore…

Comment, pour le démontrer, ne pas retenir l’exemple de ces Jeux olympiques tout juste bouclés ? C’est bien simple : toutes les combinaisons possibles se rencontrent, et jusque sous les meilleures plumes. Comme le proclamait avant-hier une publicité fameuse, « c’est comme on le sent » ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, reviviscence de la covid ou pas, personne ne semble frappé d’anosmie…

Grande triomphatrice de cette édition 2024, dans la presse écrite notamment : la majuscule au nom et à lui seul (Jeux olympiques). C’est là, et depuis longtemps, le credo du Petit Robert, côté noms communs du moins. La formule a pour elle de se régler sur le modèle de nombre de raisons sociales, lesquelles réservent ladite majuscule au substantif initial. Elle bénéficie sans doute également du fait que, quand Jeux est utilisé seul pour distinguer les Jeux olympiques de tous les autres, il porte déjà cette majuscule.

Dans les faits, victoire par K.-O. donc aux dépens de l’écurie Larousse, laquelle prône le dispositif inverse : jeux Olympiques ! N’oublions pas trop vite que c’était naguère la position défendue par tout ce qui comptait dans le Gotha orthographique : la majuscule au seul adjectif, perçu en l’occurrence comme le terme « déterminant », celui qui apporte l’information principale, était en effet réclamée par Adolphe Thomas, Jean Girodet, Joseph Hanse, on en passe et des tout aussi influents ! C’est d’ailleurs toujours la règle qui prévaut pour les noms géographiques (mer Noire, lac Majeur, golfe Persique), mais on aura tôt fait d’objecter que jeu ne boxe pas dans cette catégorie…

Ne croyez pourtant pas vous en tirer avec ce seul revirement de l’usage ! Dans plus d’une gazette, on ne se sera pas borné à changer la majuscule de place, on l’aura mise des deux côtés : Jeux Olympiques. C’est là une tendance forte, que l’anglomanie ambiante ne risque pas de combattre : on sait qu’outre-Manche ladite majuscule est omniprésente, surtout dans les titres d’ouvrages. De plus en plus grande, de notre côté, est notre propension à gratifier d’une majuscule l'initiale de chaque mot d'un sigle (Comité International Olympique pour CIO), alors que seule celle du premier devrait y avoir droit. Et comme les « JO » auront été partout cette année…

Mais peut-être nos lecteurs auront-ils eu le sain réflexe, face à cette authentique cacophonie, de prendre le taureau par le bicorne en s’en remettant aux sages du quai Conti ? Mal leur en aura pris, car c’est une quatrième version qu’ils auront découverte dans la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française, faite… de minuscules partout ! À l’entrée OLYMPIQUE, s’entend, car si l’on interroge JEU, c’est Jeux olympiques que l’on trouve derechef. Plus inconséquent qu’un immortel, tu meurs ?