Finale nationale des Timbrés de l'orthographe

Quand la dictée fait de la résistance...

19 juin 2011

Pouvait-on rêver jour plus approprié qu'un 18 juin pour appeler au sursaut devant le délabrement sans cesse croissant de l'écrit ? Lieu mieux choisi qu'un théâtre parisien pour cette « comédie à cent actes divers » qu'est notre orthographe ?

Celui des Variétés accueillait la première finale nationale des « Timbrés », laquelle réunissait à peu près tout ce que l'Hexagone compte de frustrés, voire de déçus du « pivotisme » : quelque cinq cents concurrents, excusez du peu, dont — tradition oblige — près de soixante du Nord-Pas-de-Calais.

Et, de fait, il ne fallut pas longtemps pour que l'on se surprît à humer de nouveau ce parfum indéfinissable qui fit les beaux jours des feus championnats.

Certes, la télévision n'était pas là pour saupoudrer cette première édition de ce qu'il est convenu d'appeler la magie du direct, mais ces amoureux de la langue, que l'on sait épris d'essentiel, ne sont-ils pas les derniers à se repaître de strass et de paillettes ?

Certes, l'ancien animateur d'Apostrophes et sa légendaire blouse grise d'instit avaient déserté le pupitre, mais Frédérick Gersal, à l'aisance verbale et à l'abattage incontestables, fit, en l'espèce, infiniment mieux que jouer les doublures : ses échappées culturelles et son humour de bon aloi arrachèrent même aux participants maints sourires qui, en dépit de l'enjeu, ne devaient pas qu'à la crispation.

Certes, les à-peu-près de la finale régionale avaient laissé craindre le pire à d'aucuns, mais on s'aperçut bien vite que les leçons en avaient été dûment tirées. Philippe Delerm lui-même, dont les débuts avaient laissé dans les bouches un goût plus amer encore que sa fameuse première gorgée de bière, avait cette fois pris de la bouteille. Son texte — moins littéraire, peut-être, que le précédent, mais aussi moins riche en passages litigieux — passa, si l'on ose dire, comme... une lettre à la poste, entendez par là qu'il fut expédié moins vite, mais reçu dans de bien meilleures conditions.

Partant, d'ecchymoses et d'échauffourées il n'y eut que dans la dictée — ce dernier avec deux « f » et un « r », s'il vous plaît —, et surtout pas dans la salle ! Dès lors, personne ne crut bon de faire la fine bouche devant le menu imposé et on avala goulasch, bortsch, haggis et waterzoï avec d'autant moins d'arrière-pensées que les variantes goulache, borchtch et waterzooi furent magnanimement acceptées !

On n'ira pourtant pas jusqu'à nier que ce plantureux menu ait provoqué quelques indigestions. C'est que, 18 juin ou pas, il y a toujours dans ce genre de compétition plus d'appelés que d'élus.

Mais les laissés-pour-compte de cette édition pourront, à présent que l'épreuve a atteint sa vitesse de croisière, aisément se consoler : s'ils ont perdu une bataille, ils n'ont pas pour autant perdu la guerre !

 

Retrouvez cet article (avec les photos qui l'accompagnent) dans sa présentation originale, tel que La Voix du Nord l'a publié.