Sur le plan orthographique, c’est (déjà) la pagaille...
Des espèces
plus trébuchantes que sonnantes !
18 février 2001
Nous vous en fichons notre billet, les problèmes que posera l’euro ne porteront pas seulement sur les chiffres. Les lettres seront aussi concernées, au point que la Commission générale de terminologie et de néologie a cru bon de se pencher sur la question il y a trois ans, une époque où l’on pouvait se dire que l’on n’était pas aux pièces...
Que lit-on, à ce sujet, dans le Journal Officiel du 2 décembre 1997 ? que « les termes euro et cent, qui désignent respectivement la monnaie européenne et sa subdivision, doivent, en français, prendre la marque du pluriel, conformément à l’usage qui prévaut dans cette langue pour les noms communs ». Il convient donc d’écrire, de la même façon que l’on écrivait jusqu’ici des francs : des euros, des cents. Transmis à ceux qui, par respect pour cette monnaie d’élite, censée transcender nos mitrailles nationales d’un autre âge, la gratifient d’une majuscule, la ravalant sans s’en douter au rang d’une compétition de football. Au risque, d’ailleurs, de laisser planer le doute dans des phrases telles que « MM. Chirac et Jospin ont manifesté de l’intérêt pour l’Euro en juin 2000 »... quand bien même les incidences respectives de l’un et de l’autre domaine sur la cote de popularité des intéressés permettraient de les dissiper !
Cela dit, ce « s » aura d’autant plus de peine à s’imposer que les billets à venir, si l’on en juge par les brochures dont on nous abreuve, ne l’indiqueront pas : parce que, sans doute, l’invariabilité sera la règle dans certains pays de la Communauté, c’est 100 euro, 200 euro que l’on y lira. Une brèche dans laquelle ne manqueront pas de s’engouffrer nos « apprenants » (les élèves, pour certains pédagogues de l’Éducation nationale), voire les « géniteurs d’apprenants » (leurs parents, mais vous aviez compris).
Cent impur
Autre pierre d’achoppement, la prononciation de cent. Là encore, le Journal officiel ne transige pas : « Le terme cent, conformément à l’usage français, doit se prononcer comme l’adjectif numéral cent, au singulier comme au pluriel. » Voilà sans doute pourquoi le Petit Larousse assimile le centième d’euro aux monnaies divisionnaires de « nombreux pays anglo-saxons », préconisant du même coup la prononciation anglaise : « sennte ». Ne nous berçons pas d’illusions, c’est cette dernière qui prévaudra, par snobisme comme par souci de distinguer la piécette du numéral — essayez donc de prononcer à la française « un euro vaut cent cents » ! La cause est à ce point entendue que, faute de mieux, l’on envisage déjà un repli sur nos bons vieux centimes : le Conseil de l’Union européenne n’a-t-il pas précisé, le 7 juillet 1997, que « la définition du nom cent n’empêche pas l’utilisation, par les États membres, de variantes de cette appellation dans la vie courante » ?
C’est qu’il est moins aisé d’uniformiser les langues que les monnaies. Faut-il vraiment s’en plaindre ?