Signature d'une convention de partenariat
entre EDF-GDF et le groupe ALPHA

Locaux d'EDF à Hazebrouck, 27 janvier 1989

Chers amis,

Quelques mots très courts car, autant vous l'avouer, je ne comptais pas vous retrouver aussi vite ! Le rideau est à peine retombé sur la cérémonie des « Pastador » (1) de décembre dernier que me voici de nouveau appelé à vous faire toute une tartine sur l'exposition du jour... Mais pouvais-je deviner que M. Le Morvan nous inviterait à garnir les murs de ses superbes locaux, et ce pour l'année 1989 tout entière ? Inutile de préciser, je suppose, que j'ai d'emblée trouvé cette idée lumineuse ! Jusqu'à présent, c'est vrai, et allez savoir pourquoi d'ailleurs (ce doit être le choc des contraires !), ALPHA avait surtout décoré des banques : la Société Générale à Téteghem, le Crédit Lyonnais à Hazebrouck, le Crédit Immobilier aussi, par l'entremise de notre Meilleur Ouvrier de France Roland Degryck... Était-ce une raison pour autant de faire la fine bouche ? Y a-t-il, après tout, une si grande différence entre EDF et une banque, dès lors que l'une comme l'autre vous délivrent, de temps à autre, de petites coupures ? Aurais-je estimé, de toute façon, que cette convention risquait de nuire à notre standing habituel que je n'aurais pu résister, pourquoi le nier, à la force de persuasion de notre hôte : entre le chef de la subdivision EDF d'Hazebrouck et moi-même, comment vous dire ? le courant est tout de suite passé ! Je me doutais bien, d'abord, que d'un Le Morvan je pouvais m'attendre à un soutien franc et massif ; mais j'ai découvert, en prime, un homme qui a de l'énergie à revendre (sinon à vendre !), un homme d'une grande résistance, qui n'hésite pas à aller au charbon quand le besoin s'en fait sentir et qui, par-dessus le marché, a du plomb dans la tête ! Dans ces conditions, c'est évident, nous ne pouvions que nous entendre et le marché a été conclu en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire : le temps de signer... une décharge !

Et puis quel symbole ! Pouvait-on, je vous le demande, rêver union plus naturelle, mariage mieux assorti que celui d'EDF et d'ALPHA ? Chacun le devine, les artistes sont des esprits survoltés, parfois même complètement déphasés, et dont la seule raison d'être est bien souvent liée, comme à EDF au fond, à une histoire de clair-obscur. Et je ne pense pas qu'à la peinture, cela va sans dire : à ALPHA, tous les Hazebrouckois le savent, nous avons aussi nos conteurs !

Je vous sais gré de l'avoir relevé, celui-là. Je vois que vous ne perdez pas le fil, bravo !

Ah ! bien sûr, il se trouvera des grincheux (il y en a toujours, c'est bien simple) pour déplorer qu'en cette année du bicentenaire où l'on célèbre la guillotine, le groupe ALPHA fasse preuve de mauvais esprit et commette même un monstrueux anachronisme en recourant, pour asseoir sa situation, à la chaise électrique... Mais notre malicieux secrétaire Jacques Messiant a, par avance, fait justice de cette attaque pour le moins mesquine en rappelant fort opportunément, dans un de ses récents articles, que la Révolution, c'était aussi le siècle des Lumières. Nous restons donc dans la note. D'électricité, s'entend.

Quoi qu'il en soit, et vous pouvez le constater au moment même où je parle, le groupe ALPHA, pour le vernissage collectif de ce soir, a fait masse. Tous nos artistes ont accroché, et si consciencieusement que je ne serais qu'à demi surpris de découvrir, sur les mains des uns et des autres, de discrètes ampoules... Mais comme dans ce temple de l'électricité rien ne saurait jamais être statique, c'est à tour de rôle qu'à partir du mois de mars ils habilleront ce mur, avec pour seules directives celles que leur dictera leur talent. Une formule qui s'imposait, compte tenu du contexte : ce doit être ce qui s'appelle, en termes de métier, installer un va-et-vient !

Je m'en voudrais de terminer un discours qu'un Guy Lux eût été plus à même que moi de tenir, sans remercier, au nom du groupe tout entier, le maître des lieux et ses administrés pour leur chaleureux accueil. Sans présenter mes excuses, aussi, à tous ceux qui auront trouvé que le gaz était un peu le parent pauvre de mon allocution. Que ceux-là se rassurent : loin de moi l'idée que le gaz, ce ne soit que du vent ! Vous comprendrez pourtant qu'il me soit nécessaire de conserver quelques biscuits pour le cas où il y aurait une cérémonie de clôture, dans dix mois d'ici. Sans saluer, enfin, un public que j'ai tendance, aujourd'hui, à trouver plus éclairé que jamais. Un public toujours plus nombreux, de surcroît. Il n'est pas impossible, d'ailleurs, qu'il l'eût été plus encore si l'invitation n'avait été malencontreusement glissée dans une enveloppe à en-tête d'EDF : l'avouerai-je, j'ai moi-même failli ne pas ouvrir, croyant à une facture !

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, vous n'avez certes jamais douté du rayonnement d'ALPHA, au sein de notre cité ; j'ose pourtant espérer qu'après cette visite à EDF, notre association passera, et ce définitivement, pour la plus branchée d'Hazebrouck !

 

(1) Une parodie des Sept d'or, mais le lecteur avait deviné !