Incollables
(Nivelles - 2011)
« Omar m'a tué. » Voilà ce qu'en son for intérieur se sera dit Tintin en apprenant, l'épi en berne, qu'au palmarès des entrées c'est un film d'outre-Quiévrain qui l'emporte dans un fauteuil, et roulant, par-dessus le marché ! Pour le virevoltant échotier du Petit Vingtième, en effet, finir petit deuxième dans la roue d'un tétraplégique a tout du crève-cœur : si, désormais, le ketchup hollywoodien s'avoue impuissant à relever la frite belge, où va-t-on ? Quant au metteur en scène de légende qui prétendait réaliser un rêve d'enfant en mettant ses pas dans ceux du non moins mythique Hergé, nul doute qu'aujourd'hui il ne bisque et voie d'abord dans l'éclatant sourire dudit Omar... les dents de l'amertume !
Au demeurant, est-il vraiment besoin de trois dimensions quand il suffit d'une seule : l'humaine ? Cette comédie, que plus d'un voit déjà couler Titanic, dût-elle beaucoup à ses protagonistes noir et blanc, le couple que forment ces derniers — vivant oxymore ! — est, lui, haut en couleur. Celui-ci fait partie de ces privilégiés que l'on appelait jadis les ci-devant, celui-là s'est surtout fait botter le derrière. Si l'un raffole de la grande musique, on se représenterait plutôt l'autre occupé à torturer d'improbables accords sur des grattes ciel. Le premier a les pieds cloués au sol, mais il a encore toute sa tête ; le second ne demande qu'à la perdre pour une partie de jambes en l'air ! Pouvait-on concevoir duo plus ébouriffant ?
Certes, aura beau jeu de se dire en manque quiconque confesse une addiction... au(x) dictionnaire(s) ! L'éminent aréopage qui peuple cet athénée eût sans doute aimé que la paralysie du héros fût due, non à un banal accident de parapente, mais à une affection de la moelle épinière, sclérose en plaques ou syringomyélie ; qu'on lui dît précisément de quoi était fait — kétamine ou psilocybine — le joint que nos deux zèbres, un soir de ribote, se sont à l'envi refilé : qu'on lui rappelât qui était l'auteur — Weber ou Meyerbeer — de cet opéra dont, à la barbe de l'auditoire outré, ils se sont ri et moqués. Mais à quoi bon s'ingénier à peaufiner la culture de telles gens, réputés sinon intouchables, du moins incollables ?
TESTS
Juniors et seniors écriront sans se tromper ces adjectifs qui riment avec intouchable :
- carrossable, conjugable, exécrable, impressionnable, innommable, irrattrapable, raccommodable (fin pour les juniors) ;
- critiquable, distinguable, inénarrable, immettable, irrigable, nobélisable, praticable (fin pour les seniors amateurs).
Les professionnels y ajouteront, pour que l'oxymore se sente moins seul, ces quelques figures de rhétorique et préciseront combien d'entre elles sont du genre masculin :
hyperbate, métonymie, hypallage, prolepse, hypotypose, synecdoque, hendiadyin (seul ce dernier est masculin).